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 Ao Nanashi, arme au service de la brigade

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Ao Nanashi
Membre de la Brigade fantôme
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Ao Nanashi

Messages : 6
Date d'inscription : 02/03/2014
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MessageSujet: Ao Nanashi, arme au service de la brigade   Ao Nanashi, arme au service de la brigade EmptyDim 2 Mar - 13:43

NANASHI - Ao



"Les démons n'ont pas d'ailes. Ne vous échinez pas à vouloir briser les miennes, vous ne trouverez plus que des cendres."






Personnage

|- Age : 18 ans
|- Surnom : Vous avez bien regardé son prénom franchement ?
|- Sexe : F
|- Village : Nukenin
|- Rang : ---
|- Liens familiaux : aucun

Joueur

|- Age : 17
|- Localisation : Devine *^* (arrête d'essayer, baka ==)
|- Comment êtes-vous arrivé ici : une amie
|- Une note sur 10 : 8
|- Vos Hobbies : écrire, lire, dessiner, rêver, tuer des enfants lol



"Rekishi" - Histoire



Chapitre 1 : Aka no Ame


Petite Ao:

             La définition de la souffrance varie en fonction de la personne qui veut bien se donner la peine d’en proposer une. Ardue à décrire comme toujours, car on ne peut mettre de mots sur cette dernière lorsque ses vices et ses tourments atteignent un seuil que notre langue n’a pas encore pu définir. Tout du moins dans les limites de l’humain. L’inhumain aurait pu sans peine contempler les scènes de sa vie si lui-même n’en avait pas été dégouté, car l’on sait que gorger de trop de souffrance ne fait qu’alourdir sans blesser réellement.
La violence physique est un déchirement de l’être et meurtri impitoyablement la chaire en laissant des traces indélébiles que l’on oublis, à défaut d’effacer. La souffrance morale abolie toute raison dans votre esprit et le condamne à une errance noire dans lequel il s’effrite lentement jusqu’à perdre pieds sans revenir. La souffrance, voyons voir…
Les rouleaux la décrivent comme « le fait de souffrir physiquement ou moralement ».
Le poète, comme un cauchemar délicat qui ne s’achève que le cœur brisé par la fin d’un rêve et le retour à la brusque réalité.
Les martyrs, comme l’aberration la plus absolue et pourtant le fil directeur de leur vie dont ils ne peuvent se passer sans perdre ce qu’ils sont.
L’enfant, comme un mot compliqué à la sonorité sifflante dont il n’a nulle conscience.
Ao, comme le centre de son être.

                  Quelle étrange petite fille elle était, drapée dans des guenilles qui n’étaient jamais réellement les siennes et sautillant dans les flaques sous la pluie drue de l’hiver, semblant insensible au tonnerre qui grondait autour d’elle dans une cacophonie terrifiante. Sautillante au cœur de la tempête, ses longs cheveux ébouriffés s’accrochaient en griffes sombres sur ses épaules et les braises de son regard lui donnait le visage d’un petit démon adorable, fredonnant d’étranges chansons apprises contres les arbres et chuchotées par le vent. Ni mendiante ni pleureuse, elle survivait comme il lui était possible et affinant ses capacités de voleuse, terminant souvent parfois la figure dans la boue et le dos roué de tant de coups que respirer se transformait en une source de douleur intolérable.
Aujourd’hui encore, l’enfant avait faim et il est de la nature de ces petites créatures de défier les pires monstruosités lorsqu’il s’agissait de satisfaire ce besoin primitif. L’esprit et le ventre affamé ne réfléchissent guère plus à autre chose et dans un sens, toute leur attention focalisée sur un bout de pain s’en trouvait accrue.

          Agile petite boule blanche aux pupilles de sang, elle s’était glissée à l’arrière d’un étal boulanger que l’homme responsable remballait en vitesse en sentant venir les premières gouttes de la fin de journée. Le soleil avait cessé depuis longtemps maintenant d’émerger de derrière les nuages et un ciel cotonneux gris crachotait les premiers signes d’orages fréquents en ce moment, soit les seuls jours où la petite va-nu-pieds prenait le risque de se ramasser une rouste au bâton. Alliée de son  petit corps encore en pleine croissance, la pluie et la neige était un terrain qui lui était familier aussi semait-elle plus facilement ses poursuivants, si poursuivants il y avait.  Si les brimades étaient fréquentes, la pitié n’était pas totalement bannie et nombre de commerçants se contentaient de brandir le poing en vociférant :

« Nanashi ! Immonde petite chapardeuse !! »

         Nanashi… cette appellation aux sonorités masculine s’était ancrée dans l’esprit de l’enfant comme étant son nom, son prénom et son identité. Stupide n’est-ce pas ? Nanashi signifie pourtant « sans-nom »…mais à cinq ans, quel gamin se soucie des préjudices que pourraient lui porter de pareilles syllabes ?

Elle n’était pas encore Ao…plus tard peut-être.

        Les heures de la journée s’achevaient paisiblement, regardant Nanashi crapahuter contre les murs en rasant au maximum le sol, soucieuse de passer l’acte rapidement et sans se faire attraper, une fois encore. Son objectif pour les trois jours à venir était le vol à l’étalage de trois malheureux pains ronds comme des soleils, qui trônaient encore fièrement sur l’étalage à demi débarrassé. Lorgnant les trois trésors d’un œil gourmand, l’enfant attendait avec une terrible impatience le moment propice pour bondir et disparaître rapidement au nez et à la barbe du commerçant. Homme imposant à la force physique impressionnante, elle avait déjà eu à essuyer plusieurs coups devant de sa main et l’avait amèrement pleuré pour les quelques miettes qu’elle grappillait sur son étal…il était d’un rancunier et lui portait un mépris absolu. La dernière fois encore, elle avait terminé avec une côté brisée qui, faute de soin, avait mis des mois à se remettre entièrement, période de famine extrême où seule la bonté de quelques passants pris de pitié l’avait maintenu en vie.

               Alors qu’il se détournait des façades pour engouffrer un caisson de brioches sous une bâche épaisse, elle bondit soudain hors de la cavité qui l’abritait, enrobant les pains dans ses petits bras blancs et jaillissant dans la rue où pleurait maintenant du ciel de milliers de gouttes épaisses. La respiration sifflante, elle s’efforça de garder son repas serré contre elle en ignorant les pas lourds qui se lançaient à sa poursuite dans un bruit de succion écœurant. Des glapissements et des hurlements de colère emplirent la rue principale mais Nanashi ne ralentit pas pour autant, cramponnée à son chargement inespéré qu’elle devait ramener à tout prix dans un endroit sûr où l’ont n’irait pas la dénicher. Glissant presque sur le sol trempé par les eaux, la petite fille sentait sa course fléchir sur celle du commerçant et tous ses muscles émirent des cris de protestation, trop peu nourris et par là, moins résistants au fur et à mesure qu’elle grandissait. Ils réclamaient plus…

Et elle avait de moins en moins.

         Une anfractuosité sur le sol la déséquilibra brutalement et perdant le peu d’avance qui lui restait, eu tout juste le temps de plonger à plat ventre dans une ruelle sombre et déserte, haletante…Il ne la suivrait peut-être p-…
Un coup d’une violence inouïe lui soudainement éclata la face contre le sol où s’éparpillèrent une pluie de gouttelettes boueuses. Relevant à peine la nuque en tremblotant, elle regardait s’élargir au dessous d’elle une petite flaque rouge qui perlait par ses narines ensanglantées et sa lèvre profondément fendue. Une puissante vocifération lui vrilla les tympans et elle sentit la semelle épaisse d’une botte lui labourer les côtés et le dos sans ménagement. Une bile noire s’échappe de sa gorge dans un râle et ses hurlements de douleur se muèrent bien vite en couinements d’agonie…avant de faire silence, laissant le bruit de la pluie sur le sol comme seule plainte. De stridents sifflements lui vrillaient les tympans avec une violence douloureuse, sans nul doute suscités par les puissants coups de poings assénés sur ses temps.

Un bruit de métal.

           Fouillant avec hargne dans les ordures le long de la ruelle étroite, le commerçant vert de rage et poussé à bout de nerfs par une journée peu fructueuse, tira une longue barre de fer rouillée par les intempéries et l’abandon, la soupesant dans sa main dans un grognement carnassier. Se rapprochant de la petite encore étendue sur le sol, il empoigna sans ménagement sa longue chevelure ébène toute emmêlée et poisseuse de sang et la tira violemment vers lui, redressant le petit corps pantelant sur les genoux. La silhouette massive du bras de l’homme se découpa dans le ciel sombre, avant de s’abattre avec violence sur les flancs de Nanashi, lesquels émirent un craquement sinistre, macabre musique. La douleur fusa jusqu’au cerveau de l’enfant qui s’éveilla soudain de sa torpeur pour s’étrangler dans ses propres hurlements, glapissement désarticulés et agonie si déchirante que même le son de l’orage n’en recouvrait pas tous les bruits.
L’homme ne s’arrêta pas.
        Levant le bras plus haut, tirant son corps plus fort et abattant son arme de châtiment avec plus de violence, il lui écrasa sans ménagement le poignet qui émit un bruit sourd de protestation, avant de cingler ses bras dans une cadence effrénée terrifiante qui stoppa jusqu’aux hululements d’agonie de l’enfant. Elle avait perdue connaissance depuis longtemps maintenant. Privé de sa vengeance personnelle, l’homme poussa un grognement bestial et arracha les guenilles de l’enfant d’un poing rageur, giflant tout le corps nu de l’embout de la barre de métal en éructant :

« CREVE SALE PETITE CHIENNE !! CREVE !! »

        Chaque coup porté laissait une marque bleuâtre qui virait au noir, défigurant chaque parcelle de son corps…un énième coup lui brisa la cage thoracique dans un ultime craquement, brisure lugubre qui fit jaillit de la chaire bleuie de coup de Nanashi, deux côtes pointues. Sanguinolente, ces dernières se dressaient vers le ciel en petits arbres blancs, comme un appel à l’aide.  Jetant au sol la barre rougie et poisseuse de sang frais, le boulanger s’essuya les mains sur son tablier trempé qui s’imbiba de rouge, lui donnant l’air d’un boucher en crachant près du corps :

« Bon débarras ! Ca grouille de partout ces crève-la-faim ! ‘Vaux mieux les crever, c’est leur rendre service. »

Faisait volte face, il s’en retourna le long de son étal, à seulement quelques centaines de mètres, un sourire épanoui sur le visage et la mine satisfaite. Au fond de la ruelle sombre, étendue à même la gouttière boueuse, l’adorable petit démon n’était plus qu’une carcasse brisée par un monde qui n’avait pas voulu d’elle. Une eau sale aux relents infâmes s’infiltrait dans son nez, dans sa bouche, gelait ce qui lui restait de peau n’ayant pas été mis à vif, collant ses cheveux mêlés à son propre sang. Se noyer ainsi dans quelques centimètres d’eau croupie…quelle ironie. Poupée cassée, pantin dont on aurait coupé les ficelles, elle attendait qu’une charogne veuille bien la dépecer pour abréger son coma.



« Regarde, qu’est-ce que c’est que ça ? »

        Heure tardive. Trottinant sous la pluie le long de la ruelle, un homme et une femme, les bras chargés de sacs de papier passaient devant la ruelle étroite, un air inquisiteur sur le visage. Posant son chargement à terre, la femme âgée d’une trentaine d’année seulement, s’avança prudemment auprès de la petite chose étendue, parfois agitée de soubresauts.

« Oh Kaoru-san ! C’est une petite fille ! Elle a l’air dans un sal état… »
- Laisse là donc alors… grogna l’homme resté en retrait. Encore une de ces vagabondes qui aura volé une fois de trop…
- Elle a l’air si jeune…

    S’approchant avec d’infinies précautions, la femme s’agenouilla auprès de Nanashi en lui effleurant la peau, arrachant un grondement quasi inaudible à l’enfant. Prise d’un élan de pitié pour la petite chose meurtrie délaissée comme un vieux jouet, elle tourna un visage souriant vers son comparse et murmura :

- Et si nous l’amenions au jeune maître ? En grandissant, elle pourrait devenir une charmante jeune femme et une bonne domestique ! Et elle lui en sera éternellement reconnaissante !


Le ciel aurait du foudroyer la langue de la malheureuse pour ses paroles qui ne firent que fléchir les positions de Kaoru, lequel se plia aux désirs de la femme qui rentra en portant la petite fille plus légère que son propre bras…la soupesant délicatement, elle s’imaginait déjà enseigner les rudiments d’une vie de domestique au sein d’un domaine bourgeois chez le seigneur de Yuuki en personne.

Durant les années qui passèrent, plus jamais Nanashi ne revit ces deux personnes. Nul ne sut pourquoi tout contact avec les autres domestiques lui fut interdit.

Et l’enfer pleura sur elle.






Chapitre 2 : 7 ans de malheur


Corde au cou:

« NANASHI !! »
               
                 Tôt le matin déjà, les hurlements imbibés de sommeil du seigneur de Yuki faisaient trembler les panneaux de Kami beige, subissant à toutes les aurores ses vociférations engluées dans des rêves brumeux aux arrières pensés peu recommandables. Un petit bruit de course légère se fit entendre, quasi inaudible dans les couloirs et une petite tête ébouriffée jaillit dans l’encadrement de la porte pour se coucher à terre, le front au sol devant le seigneur en tenue de nuit décentrée, la mine avachie et son ventre grassouillet débordant au dessus d’une ceinture qui maintenant tant bien que mal toute cette masse disgracieuse.
Une figure asymétrique fendue par une bouche grotesque et visqueuse et une touffe de cheveux gras brillants faisait de lui un de ces hommes semblable aux porcs que l’on ne croise que dans les vieilles légendes de l’époque Edo, mi hommes mi cochons et dont les attitudes perverses et dégoûtantes vous répugnaient même les démons. Sa bedaine cerclée de bourrelets fermes et de deux poches flasques pour les pectoraux pointait par les pans de son yukata de nuit, ouvert sur ce corps indésirable et ô combien déplaisant au regard. Ses yeux lubriques roulaient dans des orbites ridiculement petits, lui donnant l’air d’une hyène à l’affut d’une proie et la pâleur de sa peau, l’aspect cadavérique d’un baquet en porcelaine. Ses doigts mous et nerveux, celui d’un pataud maladroit et incapable. Hum…il n’en avait pas seulement l’air en fin de compte et seule l’argent, le pouvoir et les femmes avaient un tant sois peu d’emprise sur son esprit primaire.

          Nanashi attendait. Il pouvait parfois s’écouler une bonne trentaine de minute avant que le seigneur ne lui donne l’une ou l’autre tâche en sa qualité de domestique personnelle.

J’ai dit domestique ?

           Un jouet. Une esclave. Une babiole dont il croyait pouvoir disposer comme il l’entendait, l’ayant à son service depuis deux ans et ne prenant guère compte de ses sept années tout justes révolues. Un objet reste un objet. Vêtue d’un kimono grossier trop grand pour elle, l’enfant gardait la tête courbée sur le sol, les dents serrées en préparant mentalement son esprit à affronter de nouvelles humiliations, fardeau quotidien depuis de longs mois. Si sa guérison n’avait guère pris de temps, les douleurs mirent presque un an à s’apaiser complètement, période de souffrance intense durant laquelle le maître ne se gênait pas pour la faire trimer bien plus que ne pouvait le supporter une enfant ainsi faite… Mais elle supporta sans dire un mot. Sa vie n’étais qu’un enfer à répétition, boucle infernale au point que même ses cauchemars les plus noirs lui amenaient un peu de réconfort.
             Nettoyer les sanitaires avec pour seul ustensile un seau, un pain de savon et ses mains, à genoux dans les excréments et les latrines malpropres trop souvent fréquentées à la suite des nombreux banquets donné à la réception. Ou encore, rester nue, debout dans la neige durant des heures alors que son maître la regardait fixement trembler de rage à balayer la neige des jardins à l’aide de son corps bleui. Il y avait encore frotter des heures les sols de tout le domaine jusqu’à ce ses muscles hurlent à l’agonie et l’écrase à même le sol…moment que choisissait le seigneur de Yuki pour sortir de ses appartement et lui labourer les côtes de coups de pieds et allant régurgiter son repas dans les couloirs à l’aide de sels pour mieux s’empiffrer encore et laissant derrière lui un monceau d’immondices mâchées et acides. Il fallait nettoyer encore une fois, jusqu’à ce que le soir ai fait place à la nuit depuis longtemps, servant de couverture immatérielle à l’enfant à l’agonie sur le sol impeccable.

           Ce matin encore, ses jointures blanchissaient en pensant à l’affront qui ne tarderait pas à lui être fait. Se levant mollement dans un froissement d’étoffe, le seigneur de Yuki s’approcha d’elle avec une moue écœurante et lui releva le menton du doigt, la lorgnant d’un regard peu catholique tandis qu’elle se maîtrisait comme à chaque fois pour ne pas lui mordre la gorge grasse qui pendouillait près d’elle. Grognant, il s’approcha de son visage et lui lécha la joue dans un frisson d’excitation…
Poussant un glapissement d’horreur, Nanashi bondit en arrière en se frottant vigoureusement la joue, portant un regard méprisant sur le corps flasque de son maître qui la lorgnait méchamment, ce dernier fondant brutalement vers elle avec une rapidité qu’on ne lui aurait soupçonnée pour sa corpulence. Agrippant la malheureuse par le kimono, il la traîna sans ménagement dans des gargouillements de rage dans les couloirs avant de la jeter face contre terre dans une pièce encombrée de babioles de valeurs ou de peu de sous. Lui arrachant à demi ses vêtements, il lui fourra divers objets et aboya en glougloutant d’une voix stridente :

« Nettoie ! »

              Les doigts vibrants de colère, la petite fille roula la manche de son kimono et s’employait à frotter la face luisante d’un miroir au cadre affreusement sculpté dans une scène de démon ancien qui tiraient la langue, hargneux et moqueurs dans des gesticulations grotesques… Du haut de toute sa petite jeunesse, sa colère et sa rage de vivre retrouvée avait déjà l’ampleur terrible d’un vétéran du combat qui en avait vu d’autres et frottant la face polie et brillante du miroir qui lui renvoyait son visage fin et translucide, orné de pupilles de braise, elle maudissait l’homme qui la regardait travailler.                      
           Soudain, le pied du seigneur fusa vers la tempe de l’enfant qui s’écroula dans un miaulement de douleur, lâchant le miroir qui se brisa en morceaux dispersés sur le tatami sombre. Elle avait presque pris l’habitude de ces coups à répétitions mais s’habituer à la douleur lui prendrait un temps infiniment plus long… Se ramassant à demi en boule, elle massait sa tempe en grondant férocement, petit animal farouche sans lever les yeux vers la face glauque de son tortionnaire quotidien.
Mais il n’avait pas terminé.
Aujourd’hui, il voulait jouer.
Désignant les fragments de verre épars d’un doigt vibrant d’excitation mêlé de sadisme, il lui aboya tout près du visage :

« Petite imbécile incapable ! Crétine, sotte ! Ingrate envers mon auguste personne ! Moi qui te nourris et te blanchi, t’ai si aimablement recueilli, tu as l’audace de détruire devant moi et volontairement mes précieux biens ? »

        Une bouffée de haine gonfla les joues de Nanashi et levant brusquement le visage en fixant le seigneur de Yuki droit dans les yeux, elle cracha violemment sur le sol, juste à ses pieds et fouettant les débris de verre d’un revers de la main. Ce fut le défi de trop pour l’orgueil démesuré du bourreau, gorgé d’un bonheur malsain d’avoir obtenu ce qu’il voulait ! Il lui fallait cette provocation pour justifier ses petits jeux… La malheureuse enfant ne saisissait guère la totale ampleur de certaines de ses réparties venimeuses car du haut de sept années, a-t-on réellement conscience de la perversité absolue des hommes ?
Dans un gargouillement infâme et glaireux montant des tréfonds de sa gorge, il se jeta sur la petite fille et l’agrippant par la gorge sans une once de pitié, l’entraîna au travers des couloirs jusqu’aux abords du bâtiment principal avant de la jeter au fond du jardin, au pied d’un chêne humide de pluie. Les hurlements de l’enfant résonnaient au travers de tout le domaine, musique lancinante quotidienne que les domestiques avaient finie par associer au décor immobile. Là, on avait planté il y a longtemps en piquet de fer rouillé qui n’avait jamais servi à rien d’autre qu’à prendre les intempéries et rouiller. Il y avait peut-être eut un chien accroché à son pied, qui sait…

         Une corde boueuse et flétrie traînant dans la fange humide qui croupissait sous l'arbre trouva le chemin du seigneur de Yuki et se baissant vivement pour attraper cette dernière, il la soupesa dans sa main, une mimique mauvaise plaqué sur son visage déformé par le vice et la malsainité qui l'animait. Suffoquant sous la poigne épaisse de son maître, Nanashi se débattait furieusement, à la recherche d'un peu d'oxygène et d'une pression atténuée... Tournant un visage glauque vers sa petite proie farouche, l'homme secoua la corde boueuse sous son nez, éclaboussant sa frimousse blanche aux pupilles dilatées de gouttelettes crasseuses avant de partir dans un rire gras.

"Tu vas être sage, petite chérie !"

              Une bruine fine tombait du ciel aujourd'hui encore, collant le kimono à moitié arraché de la petite contre sa chaire diaphane et gelant jusqu'à la moelle de ses os. Une bise fraîche rendait le temps d'autant plus déplaisant et il ne fallut pas longtemps pour que l'épiderme de l'enfant se dresse sur chaque parcelle de son corps. Avec une vivacité inouïe, son bourreau lui passa la corde autour du coup et le hurlement n'avait pas encore franchi ses lèvres qu'il avait serré le nœud jusqu'à la limite de supportable, étouffant sa plainte dans un crachotement.
           Admirant son œuvre, l'homme s'écarta, les bras croisés sur son ventre, jubilant du spectacle que lui offrait le petit animal sauvage humanisé, accrochée comme un chien à ce vieux piquet planté dans le sol au bout d'une corde qui lui labourait la trachée avec férocité.
Cherchant à pousser des appels, des glapissements de douleur et des hoquets de souffrances, elle se tordait dans tous les sens, roulant sur le sol sale et humide, griffant les arbres à sa portée et s'arrachant des ongles la peau de la gorge. Arc-boutée en arrière et couché sur le dos, elle tendit désespérément le bras vers son maître dans une supplique muette, les yeux dilatés par la terreur et le cou sanguinolent. Ce dernier lui offrit un sourire carnassier en lui tendant la main...la retirant ensuite pour lui retendre...petit jeu morbide auquel il se livra durant de longues minutes avant de déclarer d'une voix lassée :

"Tu passeras la nuit là. Essaye de survivre puisque c'est tout ce dont tu as l'air capable !"

Et faisant volte-face d'un pas lourd empli de satisfaction, il laissa là Nanashi qui convulsait en hoquetant de rage et de douleur. Lui râpant la peau et la privant de tout l'oxygène auquel elle aspirait, elle desserra juste assez pour pousser un ultime hurlement de colère vers le ciel, son petit poing brandi comme une malédiction avant de perdre pieds, inerte à même le sol alors qu'un filet de sang glissait des dessous de la corde jusque dans l'eau qui s'accumulait dans un creux terreux près de son visage.

Sa nuit ne fut qu'un enfer de pleurs.

Charognards et faucheuse guettait chaque instant de faiblesse, chaque miaulements plus ténus que le précédents, avide d’emmener une fois encore l’innocence et la douleur dans un royaume qui ne devrait jamais être connu des enfants.

Elle survécut pourtant mais lorsque l'impitoyable objet de sa souffrance lui fut ôté, l'on découvrit une cicatrice si profonde que tous les soins qu'elle tenta d'y apporter ne firent qu'améliorer la cicatrisation. Collier mi rosé mi brunâtre, elle l'enveloppa dans une bande de lin pour tenter d’enfouir la nuit terrible ou plus que sa chaire encore, sa dignité fut arrachée et battue dans la boue.
Marque qui ne disparaîtrait jamais, témoins des vices de son seigneur et maître.

Maudit soit-il.






Chapitre 3 : Comme le ciel


Ange et démon:

            8 ans. Une année de plus s’écoulait avec son lot de colère et de souffrance, quotidien qui pourrait vous sembler lassant, chers lecteurs, mais ô combien injuste et calomnieux pour l’enfant qu’elle était…

            Il faisait froid. Un manteau d’une blancheur immaculée s’était déposé sur tout le pays dans un bruissement de coton alors que la nuit s’achevait à peine, accalmie au milieu des pluies pour la plus grande joie des enfants en bas âge. Il est coutume de s’extasier devant ces étendue pure et encore inviolées à l’aube naissante, alors que les mères s’acharnent à revêtir leurs marmots d’épaisses couches moelleuses. Il pleuvait des perles de coton blanches, aussi légères que la poudre des ailes d’un papillon, et une froidure délicate s’infiltrait au travers des linteaux de bois en sifflant délicatement sa mélodie glacée aux oreilles rougies. Le domaine tout entier s’était mis en branle pour dégager les terrasses et les jardins qui se devaient de rester accessibles en permanence car lieux de repos du seigneur de la maison. Armés de pelles et de seaux, domestiques et jeunes enfants s’égosillaient gaiement en ramassant la neige, tout en palabrant sur les derniers potins du jour.

Si les vociférations habituelles auxquelles Nanashi était confrontée s’étaient noyées dans des baragouinements obscures, le saké en seul responsable, elle ne fut pas pour autant dispensée de travail et quelques coups bien placés sur le ventre l’avaient contraints à nettoyer l’intégralité des sols du domaine. Une fois de plus.
             Filant aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient, l’enfant avait filé dans sa chambre en quête de quelques hardes légèrement plus fourni que son yukata d’intérieur, élimé par le temps et qui tombait à peine à mi-mollet depuis les mois qu’elle le portait. Faisant coulisser à toute vitesse le panneau boisé de kami beige, elle jeta un regard circulaire sur le grand espace qu’était sa chambre, le château ne contenant que des espaces de tailles appréciables. Et dieu merci, les placards étaient trop encombrés pour que le seigneur du domaine l’y enferme toutes les nuits.

Relativement vide, l’endroit sombre car gardant ses volets toujours clos renfermait un vieux fuuton amaigri par un rembourrage quasi factice, un petit meuble où elle gardait ses trésors et ses souvenirs (coquillages, bouts de tissus, boucle d’oreille cassée, nourritures séchées…), une alcôve dans le mur où elle entassait les trois tenues qu’elle possédait – ce qu’elle portait, un kimono d’hiver ayant vécu plus que son temps une chemise trop grande qu’elle portait la nuit – et une table basse qui lui servait de « bureau » lorsqu’elle s’échinait à mémoriser kanjis, hiragana et katakanas en les scribant sur des feuilles de papier volées et des bouts de charbon récupérés dans la cheminée de la cuisine.  
               Contournant cette dernière à toute vitesse, Nanashi s’empara du kimono plus épais et se dévêtit à la hâte en grognant de frustration devant le tissu qui refusait de retomber correctement sur ses jambes. Lorsque les plis eurent enfin l’aspect désiré bien que négligés et rognés, la petite bondit dans le couloir et ouvrant le premier placard à sa portée, s’empara d’un seau et courut à l’extérieur en ignorant les vociférations de son maître quant à sa course effrénée pour échapper à une rouste supplémentaire. Nettoyer les sols nécessitait une quantité d’eau non négligeable et la corvée la plus ardue restait de puiser cette dernière au puits, tout au fond du jardin. En été ou au printemps, ce n’était là que des formalités mais l’hiver…sous l’hiver dur et mordant, sans plus de protection qu’un vieux morceau de tissu qui fut un kimono dans des temps reculés et les pieds nus à même la neige et la glace… oh dieu pourquoi avait-il fallut que le destin s’acharne tant sur cette enfant qui n’avait rien fait de plus grave que de venir au monde sans nom et sans famille ?
Longeant la bâtisse du domaine principale, l'enfant traînait son seau d'étain trop lourd dans la neige, traçant un sillon blanc où elle s'enfonçait jusqu'aux mollets. Un froid sec et mordant laissant l'air en suspension, immobile, l'assaillit par tous les interstices de son vêtement et de violents tremblements secouaient ses épaules qui tressautaient sous la gifle de la glace. Le puits en vu, elle exhala une buée blanche qui se confondit aux nuages et alla laisser tomber son chargement encore vide contre la pierre grise du réceptacle de pluie.

           La pluie...il fallait qu'elle se mette à tomber maintenant, perçant la neige encore fraîche de creux et de trous gris et humidifiant le tissu du kimono d'hiver de la gamine jusqu'à ce qu'il lui colle aux os, haillons déjà fragiles qui supportaient mal les intempéries. Les arbres nus de jardin de l'arrière cours agitaient leurs branches dénudées en hululant comme des âmes en peine, agitant leur carcasse décharnée vers un ciel qui n'entendait pas plus les prières qu'un sourd.

             Dans un soupire lugubre, la jeunette accrocha l'épais seau couleur rouille à la corde gelée presque cassante mais qui avait le mérite de tenir bon à chaque hiver et le laissa tomber au fond du puits, en se râpant un peu plus les mains sur le lien tressé qu'elle n'arrivait pas à retenir convenablement à cause du gel. Grognant de douleur et entraînée par le poids du seau, elle se cognait les jambes couvertes d'hématomes contre la pierre, le corps à moitié dans la bouche sombre et béante du puits.
Un bruit fracassant se fit entendre, comme si on venait d'exploser un grand vase de cristal sur le sol... le seau venait de toucher le fond et avait brisé la couche de glace qui s’était formé durant la nuit. Gémissante, Nanashi agita la corde lentement et tirant de toute ses forces, décuplées par la pensées ce que qui lui arrivait si elle ne finissait pas son travail et remonta un seau empli de glace brisée comme des lames transparentes. Le hissant contre sa poitrine, elle le tint fermement par la hanse en haletant sous l’effort que cela lui procurait…
               Alors qu’elle suçotait ses doigts bleuis et gercés par les basses températures, une ombre sombre et poilue et vive lui frôla la cheville et poussant un cri effrayé, Nanashi recula précipitamment alors que la masse charbon de sa chevelure lui retombait sur les yeux. Lorsqu'elle l'écarta d'un revers de la main en grognant, un bruit doux et léger lui fit relever la tête et une apparition lui fit face.

          Une petite fille de son âge, ange aux longs cheveux d’ivoire et aux pupilles couleur lapis lazuli  la regardait, le visage perlé de fines gouttelettes et la capuche marine foncée battant encore ses omoplates…elle avait courut. La petite esclave contempla une brève instante tout le rayonnement qui émanait de ce petit être qui lui semblait plus loin d’elle que l’était l’orient de l’occident, douce créature éthérée qui ne demandait qu’à s’évaporer. S’arrachant à ces songes déjà trop puérils pour elle, elle inclina la tête en direction de l’enfant qu’elle savait noble à la seule vue de son accoutrement. Elle ne voulait pas qu’elle la voit. Elle ne voulait pas lui parler.

Pour un autre monde que la souffrance, elle ne devait pas exister.

            Alors qu’elle s’apprêtait à faire demi-tour en ne laissant derrière elle que la trace rouge de quelques gouttes de sang sur la neige – provenant de ses doigts crevassés -, le petit ange neigeux se précipita vers elle et dans un geste qu’elle voulait doux sans aucun doute, lui agrippa le bras, un sourire épanoui sur le visage. Elle respirait cette innocence moelleuse et délicieuse que l’on trouve chez ces enfants élevé dans la plénitude et l’insouciance…Pourtant, plus Nanashi sondait ses prunelles d’azur plus elle y lisait un futur terrible…un pressentiment morbide la fit tressaillir lorsque la voix enjouée et claire de l’enfant du ciel se fit entendre :

- Tu as des yeux magnifiques…Dis tu peux me dire où se trouve la route principale ? je suis un peu perdue…

La petite hésitait à répondre… Le regard insistant de la nouvelle venue qui sondait ses prunelles rubis et ambrée la mettait mal à l’aise et l’hésitation de cracher toute sa colère sur cette gamine qu’elle ne connaissait pas lui titillait l’esprit…elle n’avait rien à faire ici… Desserrant son emprise sur le seau, elle pointa du doigt un chemin à l’arrière de la cour en marmonnant quelques vagues indications avant de rabattre ses doigts sur l’étain gelé qui devenait de plus en plus glacé entre ses bras et lui pétrifiait tous les os du corps.

Son nom ?

Ha nous y voilà… l’impulsivité naturelle des marmots les poussaient toujours à savoir qui vous êtes, d’où vous venez et qu’elle âge avez-vous. La gamine n’en avait pas, juste quelques syllabes de substitutions pour ne pas qu’on lui attribue un vulgaire numéro. Un grondement guttural franchit ses lèvres de rose :

- Nanashi.


        Cela suffisait…il fallait que l’ange parte ! Il n’était jamais bon que le paradis et l’enfer se rencontre et se parle, cela ne créait que chaos et discorde…l’aura bleutée crêpée d’ivoire de la petite noble et le halo charbon nimbé de sang de l’enfant esclave dansaient sur tout le paysage dans un balai frénétique, se touchant du bout des doigts sans jamais se fondre réellement l’un dans l’autre. C’était à la fois terriblement beau et magnifiquement triste.
Nanashi fixait les lames de glace qui dépassait de son seau, véritable petite boule de violence noire au diable couleur de suite qui lui rongeait l’âme et se contenant pour ne pas laisser ses pulsions de rancune se diriger vers l’enfant aux joues roses qui lui tenait toujours le bras.
La pression se fit soudain insistante et elle l’entraînait :


- Viens j’ai vu un lapin tout à l’heure ! Il était tout gris, tu l’as vu ? Ah, et je m’appelle Enako mais tu peux m’appeler Ako ! Dis, pourquoi tu n’as pas de prénom ?

NON !
Dans un sursaut d’instinct de survie quasi animal, la gamine lança son bras en avant et griffa furieusement l’ange humaine près de la gorge en haletant, le regard brûlant et hagard, terrifiée l’espace d’une seconde par cette force qui l’entraînait vers l’extérieur.
Ne jamais franchir les murs… au-delà on voulait juste sa mort.
Secouant la tête, elle se reprit et le charbon emmêlé de sa chevelure glissa contre son front dans une zébrure inquiétante :

- Ce ne sont pas tes affaires. Je n’en ai pas, point…Une fille comme toi ne devrait pas traîner ici.

           Détournant le regard, Nanashi arpentait le paysage d’une œillade sombre en quête d’une échappatoire à cet interrogatoire étrange…il était si rare que les anges s’abaissent à palabrer avec les démons, qui plus est sur leur propre territoire. Enako était une petite noble charmante, elle n’avait nullement sa place dans l’arrière cour du jardin, au pied d’un puits gelé à tenir la conversation avec une…une autre. Pourtant, à la manière d’une déchirure incroyablement limpide, son rire éclata soudain dans l’air embué de richesses souillées en emportant avec lui le froid, le frima, le gel et la peur dans un tourbillon d’une chaleur délicate. La sonorité cristalline de l’éclat de rire transperça le cœur de la gamine aux yeux de braise qui suffoqua un instant…hésitant à prendre la chose comme une terrible injure ou comme…comme une forme de réconfort.  La voix de l’ange sonna encore :

- Mais, tu es autant une fille comme moi que je suis une fille comme toi ! Et tu peux avoir un nom !

Elle pouvait ? Par qui ? Pourquoi ? Qu’avait-elle fait pour mériter d’exister ? Quelle insouciance…Sa voix sombre et dur jaillit comme un couperet pour s’abattre contre le sourire blanc de la petite :

- Non ! Tu ne peux pas dire ça ! Et puis, personne ne pourra jamais me donner de nom puisque je n’ai pas de famille !

Le rire de l’ange se stoppa dans un souffle bref et les yeux couleur de ciel se fixèrent à nouveau sur elle, petite boule de colère humaine qui menaçait d’exploser tel un petit volcan…Oh en réalité elle aimerait tant sourire à cette jolie gamine, mais elle n’osait pas, avait honte de ses lambeaux de vêtements et des marques sur sa chaire couleur neige comme autant de mots blessants sur son jeune esprit.
Deux moufles.
Elles se posèrent délicatement sur ses joues dans un geste tendre, douce caresse, innocence… Nanashi ne la repoussa pas…Ses derniers remparts venaient de tomber en morceaux, de s’effriter dans la neige en une petite pluie de suie. Les moufles étaient si chaudes…

- Je vois tes couleurs. Elles sont belles, chatoyantes et accueillantes.

        Ses couleurs…Oui, il y avait du noir, du rouge, de l’ambre et du pourpre. Et pourtant sous les yeux célestes couleur d’été, il y avait une vague lumineuse différente, à peine enfouie sous toute cette masse de violence. Aimer la mort s’apprends, comme aimer la vie se ressent et sentant sa tête ballotée tranquillement par les va et vient d’Enako, empli de tendresse, Nanashi cherchait à gratter la surface dure de sa carapace et hurlant dans sa tête « regarde-là, regarde-là, souris. » La pluie cessait. L’ange emmitouflé de marine leva les yeux au ciel dans un soupir mélancolique avant de lâcher d’un ton tranquille, presque évident :

- Si tu n’as pas de nom, alors tu seras Ao pour moi. Car un jour, tu verras, toute peine sera chassée de ton regard et tes iris seront aussi bleus que les miens !

A la manière d’une poésie et d’une comptine lancinante, le vent murmurait leur paroles en écho silencieux.
Un nom.
Le droit d’aimer.
Le droit de vivre.
Le droit d’exister.
Déposant à terre son chargement de glace, Ao déposa à son tour ses petites mains roides de fatigue sur les joues roses d’Enako en murmurant dans un sourire, certes faible, mais sincère :

- Comme le ciel.

L’ange blanc fit écho à ses paroles et dans un mouvement souple, la petite esclave au nom de ciel d’été recula et repartit vers le domaine, une étrange bouffée de chaleur au cœur.
Il est dit quelque part que la soirée qui suivit cet échange fut un calvaire d’une atrocité terrible et entre deux gifles et coups de pieds, l’enfant n’aurait cessé de hurler jusqu’à en perdre la voix :

« AO !! MON NOM EST AO ! AO ! »

Comme le ciel.


Les chapitres 4 et 5 sont dans le post suivant par manque de place. Merci ♥



"Gotai" - Physique

Un poney. Certes, c’est un animal vous le concevrez tout aussi bien que moi mais force était de constater que la capillarité intenable d’Ao l’approchait plus de ce petit équidé fripon tout ébouriffé que d’un être humain physiquement normal. Une imposante chevelure de jais lui cascadait tout le long des épaules jusqu’au bas des reins dans un beau capharnaüm à l’impressionnant volume, piquetée de reflets lunaires. De multiples petites mèches semblaient prendre un malin plaisir à prendre la poudre d’escampette et caracolaient de ça de là tout autour de son visage, ballet obscure et adorable. Lorsqu’elle se tenait au milieu de la nuit, on aurait pu croire à un spectre tant la noirceur de son cheveu se fondait jusqu’aux ténèbres.

          Un nuage. Prévisions météorologiques et porteur de pluie, l’on aurait pu comparer le visage de la jeune fille à un de ces étranges moutons éphémères, parfois noyé dans une masse sombre et parfois esseulé dans un vide sans fin. La blancheur translucide de sa peau  lui octroie l’apparence d’une poupée de porcelaine trop fragile pour être réelle et y brille parfois une larme en petite perle cristal liquide, roulant sur l’arrondie délicat de ses joues à peine rosées. Un petit nez fin et légèrement retroussé accentue la finesse de ses traits et surplombe une bouche éclatant en bouton de rose pourpré, semblable à une trace de sang sur la neige. Le tracé délicat de cette dernière lui ourle légèrement la lèvre supérieur dans une éternelle petite moue triste avant de dévoiler, fort rarement d’ailleurs, deux rangée de dents immaculées d’un ivoire aussi pur que la pâleur de sa peau. Sourire neigeux qu’elle ne dévoile jamais. Il y avait quelque chose de terrible dans ce visage, dans tant d’impétuosité recouvrant une tristesse toujours présente, sans frontières, sans remous, sans tempête, sans commencement ni fin.

           Deux braises. Incandescentes et rougeoyantes, ces étranges petites lucioles enflammées couvent paisiblement les cendres brûlantes des feux de cheminée et caressent langoureusement les bûches, noircissant es de leur baisers mortels. Les prunelles d’Ao en étaient si proches qu’une colère pourpre semblait y gronder sans discontinuer, malgré la tristesse profonde qui y habitait. « Tu aurais du naître les yeux gris » lui répétait-on à tour de coups et de brimades, « ces yeux sont comme la lave et l’or, ils ne t’appartiennent pas ».  Elle déplorait certes la couleur de ses pupilles mais qui diable aurait pu y faire ? En se regardant dans un vieux miroir, elle avait murmuré un jour « Ce sont mes yeux. Ils sont ma colère. Ils sont mes larmes. ». D’un dessin gracieux et rendu profond par des cils de velours épais, ces derniers  avaient la couleur d’un coucher de soleil, de braises en fusion, d’or liquide ou encore d’ambre enflammée, tandis que la lumière y jouait de manière enfantine. Son attente sans objet et sans espoir posait à travers son regard, sur chacun et chaque chose, une interrogation profonde et inquiète, qui n’appelait pas de réponse parce qu’elle ne savait pas ce qu’elle demandait.

          Une azalée blanche. Charmante fleur à la corolle légère, elle s’épanouie avec grâce, au sein de ses comparses, immaculée et douce comme une soie précieuse. Le buste souple d’Ao pliait sous les fautes qu’elle n’avait pas commises, fine, de petite taille et d’apparence fragile. Sa jolie poitrine au galbe arrondis et dure comme des pommes de septembre mettait en valeur un ventre lisse et plat, feuille de kami blanche découvert et mis à nue par sa tenue. Un veston mince en étoffe pourpre liseré de feu et sans manches, de peu de valeur, ondulait contre ses hanches admirablement dessinée par un trait précis et courbées comme la ramure d’un bouleau tout frais. Une série de trois bandes de lin blanc s’enroulait autour de sa poitrine, dévoilant sa gorge et son ventre, mis à nu par le veston qui ne se fermait pas, serrés avec soin et application pour ne gêner aucun de ses mouvements. Un simple pantalon de toile noir évasé puis resserré aux chevilles complète sa panoplie habituelle d’une simplicité enfantine, accompagné de chaussures noires standards. Enserrés dans de longs gants noirs de chine recouvrant le majeur dans sa totalité, ses bras longs et minces avaient une harmonie dans l’extension de ses doigts, dans une grâce légère et dissimulatrice d’une vivacité furieuse qui ne trouvait d’égal que les éclairs.  

         Une ramure de saule. Non pas la comparer à un arbre droit et stoïque, soyons bien d’accord, mais la finesse galbée de ses longues jambes lui donnait la souplesse mélancolique d’un de ces majestueux gardien des sources d’eau, trempant les pointes de leur feuillage sur la surface lisse de l’onde. Si la finesse délicate de ses jambe vous aurait étonné, la vie qu’elle mena lui octroya une résistance stupéfiante quant aux chocs et aux changements climatiques en tout genre et mal avisé celui qui la prendrait pour la délicieuse poupée de porcelaine qu’elle semblait être. Ses petits ongles d’émail crémeux étaient souvent entachés de terre et parfois de son propre sang, et la finesse de ses doigts semblable à des pattes d’oiseau renseignait mal la force qu’elle pouvait y puiser si nécessaire, indiquée si l’on y regardait bien par la mince corne de ses paumes.

        Blessures dans la chaire d’une rose.  Tailladée par une épine trop haute, les pétales de cette fleur exquise s’érafle et brunisse parfois en liserai brunâtre dans leur chaire si crémeuse. Sillonnant de par et d’autre de son nombril, deux cicatrices toutes deux dues à la violence de son maître de Yuki, dans des excès de violence, de colère, ou simplement par pur distraction. La troisième fait le tour de son cou pour les raisons évoquées dans son histoire…il m’est douloureux d’y revenir, vous m’en excuserez je l’espère. Ni fière ni honteuse, Ao les considère comme une part d’elle-même et ne cache que celle de sa gorge par une bande de lin noire pour ne pas avoir à l’affronter devant un miroir.
Une plume. Si la résistance et la force d’Ao reste des plus honorable, vous serez surpris de son extrême légèreté, comme si elle ne pesait que le poids de ses vêtements et de sa colère. Si sa finesse délicate y joue sans doute et que son physique ne semble pas celui d’un ninja, ne vous fourvoyez pas car son intérieur est dur comme une roche ancienne. Les hommes étaient capables sans effort de la hisser d’un bras sur leurs épaules où elle se tenait, aussi pesante qu’une feuille morte prête à être souffletée par le vent. Ah…plume certes…mais plume de fer, fer aiguisé et aiguë brûlure.
Physique doux. Celui d’une poupée fragile. Intérieur brûlant et force de colère.

Sauvage. Terriblement sauvage.


"Shin'ri" - Caractère

Bruine et neige, neige blanche, blanche âme et âme terrible. Regardez-la, statue mouvante de faïence sauvage et farouche, cendre glacée dans un ciel trop bleu pour exister, si douce et si fraiche…d’une délicatesse…

Bien sûr que non.

           Impulsive, enflammée, pierre de lave et caractère incandescent, l’âme d’Ao et son moral semblaient s’être trompés d’enveloppe charnelle. La jeune fille cultivait en elle une force de caractère impressionnante et si elle se devait, pour sa survie, de courber la tête en serrant des dents devant son seigneur à Yuki, elle déliait volontiers sa langue et sa colère contre quelque autre chose qui avait le malheur de lui passer sous la main : arbre, roches, enfants…
Une colère terrible menaçait toujours d’éclater en elle lorsque sa condition dégradante lui apparaissait, railleuse, tel un petit volcan enfoui qui hésitait entre hurler et déverser un flot mortel…ou s’éteindre lentement sous une pluie de larmes, jusqu’à mourir en silence. Si elle pouvait être d’une patience infinie lorsqu’il s’agissait d’une situation qui s’y prêtait, elle n’hésitait jamais à être brute dans ses paroles et ne ménageait pas ses interlocuteurs, quelle que soit la bonne volonté de leurs propos. Son impulsivité et ses réactions au quart de tour faisait d’elle une petite météorite  au visage de porcelaine qui ne manquait d’aucun charme, alors que la jeune femme semblait des plus inaccessible.  
Bien que farouche et sauvageonne lorsque les ordres ne la forçaient pas à se tenir tranquille et asservie, elle n’était pas le moins du monde orgueilleuse et rageait souvent des maltraitances infligées aux autres domestiques contre lesquelles elle ne pouvait rien faire d’autre que consoler après la tempête.  Farouche…oui c’était un mot qui lui convenait bien. Non pas qu’elle fuyait les êtres humains ou toutes autres formes de vie…mais il y avait en elle une méfiance qui grondait, tortueuse et houleuse, toute particulièrement portée vers les hommes. Il était difficile de lui en vouloir, tant les insultes et les coups qu’elle reçus furent uniquement portés par les membres appartenant à ce sexe, dans des buts injustes ou peu recommandables.
                Il était une chose qu’elle adorait, bien simple en vérité et qui avait eu les tristes conséquences de plus de mal encore. L’orage. L’orage et la mère pluie. Lorsque le roulement grave et guttural de la tempête se faisait pressentir et parvenait à ses oreilles, elle courrait jusqu’au plus haut point du village, oubliant ce qu’elle subirait en rentrant détrempée, elle laissait la pluie ruisseler sur tout son corps, tendant les mains vers les éclairs qui hurlait sans jamais s’en effrayer. Ils étaient si beaux, si lumineux et si lointain…  Il lui prenait parfois de rester plusieurs heures ainsi, jusqu’à ce que la pluie s’infiltre jusque dans sa bouche et ses os, la noyant presque debout et la poussant brutalement à faire demi-tour, sous les rugissements du tonnerre.

           Ao était une jeune femme jalouse. Oh, non pas comme on pourrait l’être de quelqu’un qui possède un bien ou d’une jolie femme…mais comme on le serait en voyant son chat préférer une autre personne qui n’est ni son maître ni une connaissance. Ce sentiment étrange, pincement douloureux dans la poitrine, mêlé de la colère d’une injustice et de la tristesse d’être oubliée la tourmentait parfois lorsqu’elle voyait son maître vénéré Kitano tirer causette avec une femme en pleine fleur de l’âge, le sourire aux lèvres. Il est de ces choses que l’on ne peut empêcher et la demoiselle n’hésitait guère à le blâmer lors de ses longues absences nocturnes, patientant souvent depuis des heures le retour de son maître en se rongeant les sangs, inquiète au possible. Elle n’avait développé ce sentiment qu’après sa rencontre avec lui.

Aventureuse et d’une curiosité sans bornes, elle se complaisait en compagnie d’Enako, tendre amie chère à son cœur, à multiplier tours de passe-passe, chercher des trésors qui n’existaient que dans leurs rêves, s’entraîner en secret à l’élaboration de techniques, tenter les paris les plus improbables – il s’était avéré que capturer une chouette à l’aide d’un filet à papillon soit une expérience fort douloureuse pour le cuir chevelu et les bras, couverts de multiples écorchures -. Se souciant peu du danger et des conséquences de ses actes, elle était pourtant d’une prudence exemplaire si on le lui demandait.
Dans le cas contraire (c'est-à-dire 99,9% du temps), elle s’avérait être la pire casse-cou qui puisse exister en ce bas-monde. Pour son plus grand désarroi à de multiples reprise, ma foi. Son extrême légèreté rendait son pas inaudible et faisait d’elle une ombre aguerrie, dont les déplacements invisible étaient source de nombreuses réussites de chapardages innocents…ou de plus gros morceaux.  

                    La nuit était pour elle une source de soulagement tout autant qu’elle l’était d’une crainte atroce…Lorsque son maître de Yuki avait absorbé quantité d’alcool, elle pouvait s’éclipser aussi légère qu’un souffle ténu rejoindre Enako qui l’attendait à l’arrière des bâtiments et avec laquelle elle pouvait enfin vivre normalement. Du moins lorsqu’elle était encore avec elle. C’était encore une époque tendre… A l’inverse, elles pouvaient être source de terreur lorsque le seigneur de Yuki n’était pas assez imbibé pour s’endormir et se glissait dans sa chambre, la forçant à hurler jusqu’à ce que d’autres domestiques accourent pour calmer leur maître, tandis qu’elle poussait parfois la peur à rester perchée sur le toit toute la nuit. Petit oiseau de glace aux yeux de braises rougeoyants, remuant une angoisse et une fureur qui dépassait jusqu’à même les hauteurs du ciel.
            Il était une seule et unique chose qui lui faisait ressentir ce rare sentiment de sécurité. Et qu’elle aimait plus encore que l’orage : son maître Kitano. Plus que de l’admiration, il était pour elle un rempart et une sécurité qu’elle chérissait de tout son cœur et de toute sa force. Si il l’avait souhaité, elle aurait traversé cent fois le désert en rampant sans une goutte d’eau et grimpé cent fois de plus les plus hauts sommets de glace sans dépenser une seule goutte de chacra. Il lui était coutume de s’endormir contre lui le soir venu, lorsqu’elle avait outrepassé les limites de ses forces et ne se traînait dans son lit qu’à même son esprit, se réveillant parfois allongé sur son torse sans qu’il l’ai déplacé. Reconnaissante autant qu’un esprit pouvait l’être, elle se pliait à ses paroles, bien que son excitation brûlante ne manque jamais de protester vigoureusement si la décision lui semblait d’une profonde injustice.
Elle aimait manger tout ce qui s’approchait des plats épicés et bien que piètre cuisinière, s’acharnait pour réussir ce qu’elle entreprenait, même si cela devait lui coûter un bras. Joueuse aguerrie de shamisen, formation de domestique oblige, elle se plaisait parfois à en jouer le soir sur le toit, en poussant des complaintes un peu mélancoliques… Il était ardue de décrire ses hobbys où ce qu’elle aimait faire car ce genre de chose ne se découvre qu’à l’enfance.

L’enfance ?

           Quelle enfance ? Son goût prononcé pour la mort faisait d’elle une petite boule de violence contenue d’une dangerosité peu commune. Dieu merci, son contact avec Enako lui avait fait adorer vivement la crapahute dans les arbres, art qu’elle maîtrisait à la perfection, la dissection, les petits coups fourrés et toutes ces gamineries enfantines qui l’avaient préservés d’une transformation en masse de colère apocalyptique qui, un jour ou l’autre, aurait explosé en libérant la force considérable emmagasinée pour détruire toute chose autour d’elle.  Du moins pour le moment.

Ao était ainsi. Semblant aussi belle et fragile qu’une poupée éthérée, légère comme la poudre des ailes d’un papillon, dure et forte comme un marbre ciselé, farouche comme un lièvre et aussi enflammée qu’un volcan, attendant patiemment son heure…ou sa mort.  


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MessageSujet: Re: Ao Nanashi, arme au service de la brigade   Ao Nanashi, arme au service de la brigade EmptyLun 3 Mar - 16:19

Hum...comme le tout prenait trop de place, vous trouverez les deux derniers chapitres ci-dessous ! Sorry pour le désagrément.





Chapitre 4 : Le corps de la colère

Blessure:

      Quatre années passèrent. Du haut de ses douze ans révolus, Ao s’était transformée en une demoiselle aux charmes sauvages et sensuels encore ténus par son jeune âge et dont n’avaient conscience que les hommes qui la croisait. Durant tout ce temps, sa complicité avec Enako ne s’en était trouvée que plus forte malgré leurs récents entraînements où cette dernière montrait un brin trop souvent des troubles de l’attention et un ralentissement de récupération préoccupant… Les deux jeunes filles évoluaient ensemble dans leur maîtrise du chacra et l’enfant de la nuit ne lui fut jamais plus reconnaissante pour l’avoir aidé à développer ses capacités en lui recrachant les cours qu’on lui dispensait en matière ninja.
         
                 S’étant découverte des aptitudes pour l’eau et la foudre, elle prenait plus de plaisir encore sous les orages aux pluies torrentielles où elle allait jusqu’à la crève pour s’entraîner au cœur des forces naturelles. Les qualités ninjas qu’elle avait développés s’étaient révélées coriaces et puissantes, lui permettant à plusieurs reprises d’échapper aux incessantes humiliations qu’elle subissait trop souvent au fur et à mesure que les années avançaient. Oh, elle prenait garde à ne pas paraître trop dominatrice ou effrontée car si ses nouvelles capacités faisaient d’elle une petite boule noire dangereuse, elle n’en restait pas moins une enfant inexpérimentée et n’ayant pour base que les dires de son amie. Face à un homme aussi hargneux et mauvais qu’un porc et un groupe de soldats entraînés, il aurait été plus que stupide de vouloir tenter le diable.

Il est de ces matins où l’on ferait mieux de rester sous sa couette, de ne pas bouger, d’arrêter de respirer… Un mauvais pressentiment grimpe sur vous, sinueux…vous sentez que si vous posez un orteil en dehors de vos draps, une sorte de drame tendrait à vous frapper…Vous ressentez ce quelque chose glauque et lugubre ? Parfait, ne bougez plus et restez dans votre lit pour aujourd’hui. Pensez à Ao. Elle ne put s’y résoudre, et à force de hurlements, elle avait du faire face à un de ses plus grands drames. Le diable semblait la chérir…
               Il n’était pas rare que le seigneur de Yuki organise de glorieuses réceptions où les orgies et les panses farcies primaient sur le bon sens, la bienséance et les politesses d’usage. La plupart des invités ne valaient pas mieux que leur hôte, porcs gras et pervertis par le luxe ou gringalet vicieux et fouinards qui repartaient souvent les poches bien plus lourdes qu’à leur arrivée. Tous ne vivaient que dans une opulence exacerbée, seigneurs, nobles, bourgeois des alentours et des quelques provinces proches de Yuki. Kimono de soie, bols de thé laqués et ouvragés, banquet en abondance et saké à volonté, rien n’était trop beau pour dilapider les économies faramineuses du maître dans de somptueuses réceptions.

Ao haïssait ces événements.

                 Si l’on passait outre le bruit, l’opulence, les dégâts à nettoyer et les obscénités lâchées à tout bout de champs, c’était le plaisir sadique que prenait son propriétaire à l’exposer comme un animal en cage à la fin de chaque repas où il la faisait chanter, jouer du shamisen ou esquisser quelques pas de danse pour les invités. Ils la regardaient comme on contemplait un morceau de viande saignante ou une friandise, lâchant diverses blagues peu élégantes et gloussant devant l’étroitesse de son vêtement qui laissait entrevoir une partie de ses courbes naissantes.
                La réception d’aujourd’hui s’annonçait comme toutes les autres et il ne me paraît pas nécessaire de s’étendre sur les immondices qu’il était permis d’observer pendant le repas… Oh, peut-être qu’un échantillon vous donnera une petite idée de la répugnance que cela inspirait à la jeune demoiselle, immanquablement de service. Les grassement de gorge et la sauce dégoulinantes émettaient des bruits de succion écœurants en tombant sur le sol dans des « flock » marécageux. Les barbes et les mentons s’engluaient de riz et de morceaux mâchés puis recrachés, arrosés de saké ou de quelques autres digestifs hors de prix.  Habits précieux et coussins se tachaient de mets et boissons et collaient contre les corps, qu’ils soient flasques ou rachitiques. Les cheveux graissés par les huiles essentielles trempaient dans les bols et les assiettes et les pieds nus des invités, souvent jaunis et les ongles noirs se posaient sur les bords du buffet, au milieu des plats…agrémentant la chose de champignons on ne peut plus naturels. Obscénités, railleries, jeux d’argents, paris pervers et vomitifs pour manger plus encore, rien n’arrêtait la débauche totale des lieux.

Slalomant entre les invités qui ne manquaient jamais de vouloir poser leurs mains baladeuses un peu partout, Ao se mouvait avec agilité et rapidité en esquivant toutes ces risibles tentatives, sans un regard pour son auteur en débarrassant et apportant des cuisines les divers plats et boissons dans un ballet monotone. Les invités déjà bien imbibés se préoccupaient à peine de ce qu’ils avalaient et plus d’une fois, l’envi de glisser entre deux pièces de viandes l’un ou l’autre objet pointus ou herbes mortelles titillait la jeune fille. Arrivant auprès de son maître, ce dernier lui tira son épaisse chevelure et cracha à son oreille :

« Amuse les invités à défaut de faire ton travail correctement, stupide chose ! »
       
                Grondante, Ao sortait mécaniquement les crocs en serrant le plateau qu’elle tenait jusqu’à rendre ses phalanges blanches. D’un violent cou de pieds, l’homme cogna ses genoux, l’envoyant par terre, elle et son plateau qui ne trouva rien de mieux à faire que se déverser sur le sol dans un fracas qui eut pour effet d’attirer l’attention de tous les invités. Se redressant en massant ses tempes sans dire un mot, la jeunette commença à rassembler en geste fluides et rapides les mets éparpillés aux pieds du détestable porc qui lui servait de maître, ce dernier la lorgnant avec une sorte de dégoût mêlé d’un plaisir malsain. D’une main preste, il lui agrippa les cheveux, la forçant à se relever et ne prêtant aucune attention à ses hurlements de protestations qui se noyaient à demi dans le fou rire commun des convives devant le spectacle. Dans un élan haineux, la jeune fille agrippa le bras gras du seigneur et y planta ses petits ongles en feulant comme un chat en colère, griffant la soie précieux qui se déchira comme du papier crépon sous la force déchaînée que mettait l’enfant dans son attaque affolée.
                          Tout autour d’elle résonnait une farandole de rires et d’insultes salaces qui lui vrillaient les tympans, ne rendant son affolement que plus grand encore lorsque l’homme lui agrippa les vêtements pour l’arracher à sa prise. Glapissant, elle lâcha le tissu et se retrouva projetée au centre du large tatami, vide au centre qui servait de « table » et où la nourriture était éparpillée bien autour d’un un carré régulier aux bords floutés par les rejets alimentaires et les sauces renversées. Pantelante, elle se redressa en se campant sur ses jambes frêles, le visage terriblement dur, le kimono pendouillant misérablement sur son corps meurtris, le souffle cours et le regard brûlant…oh si brûlant qu’un petit volcan n’aurait pas pu être plus grande source de danger.

Le seigneur de Yuki se leva en rotant bruyamment tout en s’essuyant les doigts sur une serviette qui, vue son état ne faisait qu’aggraver l’état graisseux de ses mains. Là, il lorgna d’un œil mauvais la silhouette noire dressée au centre de la pièce avant de partir d’un rire sanguin et de se retourner vers le monticule d’objets inutiles qui s’amoncelaient au fond de toutes les pièces du domaine, en attente de servir à quelque chose… Il en retira un long fouet couleur carmin, habilement tressé et dont les lanières dentelés à pointes métallisées avaient la délicieuse capacité de se fondre dans la chaire comme dans du beurre. Le manche ouvragé assurait une prise en main parfaite et faisait de cet objet aux abords délicat une terrifiante source de souffrance ainsi qu’un bourreau abjecte.

S’en retournant paisiblement vers la table où tous les regards stagnaient vers sa personne, il regarda la jeune Ao avec un visage lubrique et fit claquer le fouet au sol :

« Déshabille-toi »

                   L’ordre avait cinglé le corps tout entier de l’interpellée qui sentit l’intégralité de ses cellules entrer dans une fusion bouillonnante et une terreur glacé qui l’empêchait même d’inspirer… la pire humiliation… le coup de grâce suprême, l’agonie absolue, la dignité brisée, l’abomination même pour le petit corps déjà éclaté de la demoiselle. Elle ne pouvait fuir, les convives lui barrant toutes sorties en s’égosillant de plaisir comme on regarderait un singe faire le pitre avant de lui jeter des cacahouètes.

Sauf que les cacahouètes avaient le goût amer de l’insulte.

              Secouant mécaniquement la tête, Ao serra ses bras contre sa poitrine, les yeux hagards et la bouche sèche. Le fouet vint cingler ses chevilles, y traçant un sillon léger sans que les lames pénètrent la peau. La douleur lui arracha un hurlement strident et elle plia le genou sans toutefois lui faire le plaisir de gire à terre. L’arme claqua contre son dos.
Nouveau hurlement.

« Déshabille-toi »

Nouveau refus.
Un coup de fouets près de la tempe.

« Déshabille-toi »

Refus.
Blessure.
Ordre.

« Déshabille-toi »

                    Pantin blessé dont on aurait coupé les principaux fils, l’enfant qui n’en était plus un depuis longtemps se redressa enfin, le visage blême, couverte de larmes de sang. Ha…c’était trop. Il fallait que cela cesse…Portant ses petites mains fines vers les bords de son kimono, elle les fit glisser, lentement, sous les sifflements obscènes et les hurlements avides des invités ivres, le cœur au bord des larmes et les lèvres au bord de l’âme. Le tissu usé tomba à ses pieds.

Il n’y avait plus que sa tristesse et sa haine pour la couvrir.

              Toute la pièce pouvait caresser des yeux ses formes, sa petite poitrine galbés, son sexe naissant, les cicatrices sur ses membres et les bleus sur sa chaire, ses bras affinés par le travail, son ventre creusé par la faim… Sa nudité vendue comme à une enchère à viande la plongeait dans une nausée terrible et une bile noire lui brûlait la gorge…se pliant brutalement deux, elle vomit l’acide qui empêchait l’air de se faufiler dans ses poumons, crachant et pleurant à demi assommée par la violence qui frémissait dans ses membres. « Oh mon dieu faite que cela cesse….tuez-moi » implorait tout son corps et son âme.

Pitié. Assez.

Quelque chose s’enroula autour de ses flancs dans un claquement…au milieu du brouillard couleur ambre, elle ne distinguait qu’une sorte de lanière…édentée peut-être…couleur carmin.
Le fouet se retira brutalement.

Et lui déchira la chaire.

« HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA »

               Plus qu’un hurlement, c’était le cri d’agonie, le déchirement entre l’humain et l’animal qui franchit les lèvres de la jeune fille alors que des filets poisseux de chaires coulaient contre ses hanches, la jetant sur le dos au milieu de la douleur qui annihilait sa raison. Les dents métalliques des lanières du fouet accrochaient sa chaire et l’arrachait méthodiquement, le sang coulant en mare visqueuse autour du petit corps étendu sur le dos qui poussaient des hurlements désarticulés qu’elle ne percevait plus elle-même.
Un second coup l’atteignit sur le flanc opposé. Les lames aiguisées pénétrèrent son épiderme avant de l’arracher brusquement, dévoilant des chaires sanguines et noires d’hémoglobine qui coulait sur les tatamis comme du goudron, la faisant convulser avec violence dans une nouvelle salve de cris animaux. La douleur abominable arquait son corps comme épileptique qui, secoué de violents spasmes, n’était plus qu’une vaste écorchure, plaie béante et déversant un liquide rubis sur l’immaculé tatami couleur crème.

* Je me noies. Je veux mourir. Il doit mourir. Tuez-moi je ne peux plus…j’ai mal…je veux mourir…qu’ils cessent de rire…je ne veux plus les entendre………. *

         Il n’y avait plus rien derrière ce visage tordus par la souffrance, ce monde pour lequel elle se devait d’exister…L’image de son maître la fouettant nue au milieu des convives se grava à jamais dans son esprit comme la pire humiliation, l’insulte la plus terrible qui ne lui fut jamais faite et dieu sait qu’elles étaient nombreuses. A partir de ce jour et plus encore que les temps précédents, elle cristallisa sa haine sur les hommes et les humains, ne leur prêtant que folie meurtrière, vice, sadisme et perversité sans bornes.
Les coups pleuvaient. Son corps pleurait.

L’Enfer cessa. Enfin.

              Elle sentait des mains palper les quelques zones de chaires encontre intactes et la traîner dans un coin de la pièce. Les bruits d’assiettes reprirent.
He oui, l’amusement passé, on avait traîne le petit jouet cassé des enfants trop gâtés dans un coin de tiroir pour l’y abandonner, agonisant puisque le saké faisait oublier jusqu’à même l’odeur du sang qui flottait dans la pièce. Quelques lambeaux de chairs traînaient de ça de là, éparpillés par les coups à répétition et des traces de sang se suivaient de centre de la pièce  au coin sombre où la jeune fille agonisait en silence.
Une heure passa.
Puis deux.
         Les plaies avaient coagulés en formant des croûtes bosselées encore suintantes, poisseuses de sang dans un agrégat noirâtre déjà légèrement infecté par le manque de soin et les immondices alimentaires traînants un peu partout. Toutes forces vitales semblaient l’avoir déserté et sa nudité bafouée ne la préoccupait même plus…Dieu merci ils étaient trop ivre pour penser à profiter d’elle.  Pourtant, au fond de sa tête, une petite voix lui hurlait de bouger, de partir, de profiter du répit que lui procurait le banquet où les convives s’étaient transformés en éponges à saké. Puisant dans le peu de vie qu’elle maintenait encore en prenant la peine de respirer, elle se traîna lentement dans le couloir, rampant et chancelant, laissant derrière elle des traces indélébiles noirâtres et corail sur le bois légèrement rugueux. Dans son petit poings bleuis, le kimono qu’on avait jeté en même temps que son corps dans le recoin du « tiroir », s’en vêtissant avec des gens lents, fantomatiques.

Morceau de vie écartelé, elle souffrit tout le long du vaste corridor et c’est l’écume aux lèvres qu’elle parvint aux panneaux de sortie qu’elle fit coulisser en gémissant sous la douleur que lui infligea ses chaires encore vives.

Elle était en retard.

Non pas pour un baiser échangé avec la faucheuse mais avec la petite Enako…Comme chaque soir lorsqu’elles parvenaient à tromper les vigilances de leur domaine respectif, ange et démon se retrouvait dans un accord de paix permanents sous les seuls feux de leurs attaques et de leur entraînements. Ao voulait y aller….Non, elle le DEVAIT !! Il lui aurait parut plus doux de se donner immédiatement la mort plutôt que de manquer ces rares instants où elle pouvait prétendre exister pour un monde extérieur. C’est donc traînants ses mains et pressant ses mains contre ses blessures aussi grave soit-elles, qu’elle s’entreprit de garder contenance, semblant de sourire et corps droit pour ne pas attirer l’attention de sa meilleure amie et seule famille. Qui plus est, la jeune fille l’inquiétait cruellement depuis longtemps, semblant légèrement moins dynamique qu’il y deux ans peut-être…

Bah ! Elle ne souhaitait pas gâcher ces rares instants par quelques questions que ce soit.

                Lorsqu’elle arriva enfin à leur point de rendez-vous habituel, elle entreprit même de câliner gentiment la jeune Toshizo, un sourire bienveillant qui sonnait faux plaqué sur son visage tandis qu’une douleur acide lui transperçait littéralement la peau à chaque mouvement. Une routine commença alors, tandis que le jour déclinait lentement sur les toits, les nimbant d’une lumière pourpre et or aux reflets quasi lunaires où dansaient sans un bruit les petites silhouettes souples et la voix trainante d’Enako qui s’employait à dispenser à Ao les quelques enseignements ninja qu’elle recevait chaque jour.
Mais la jeunette aux yeux de feu ne l’écoutait pas.

Elle l’observait.

                Sa peau lui paraissait terne, ses mouvements plus lents et les poches noirs sous ses yeux lui affichaient un air cadavérique et une pâleur terriblement préoccupante… La consistance de son chacra était fade et plus que d’ordinaire, son souffle court trahissait un épuisement accéléré. Inquiète et soucieuse, Ao mis de côté sa douleur et força Enako à s’asseoir en lui tenant les épaules avec fermeté avant de plonger ses prunelles dans l’azur fané de son petit ange :

« Ako ! Plus que jamais tu m’inquiète alors pourquoi diable refuse-tu de m’entendre ? Ta santé se détériore au fur et à mesure du temps mais jamais tu n’as pris la peine de m’en parler ! Qu’est-ce qui ne va p-
- Les…..ca…


              La blanche porte soudain ses mains à sn cœur et convulsa violemment en arrière en crachant une bile sanguine, les yeux révulsés et un hurlement de douleur au bord des lèvres. Tout son corps tremblait de soubresauts alors que sa respiration sifflante entrecoupée de crachotements intelligibles rendait ses membres durs comme de la pierre. Elle éructait : « Les…médica…..ments…..méd…. »

Terrifiée, Ao poussait des cris désespérés, appelant à l’aide quelqu’un qui ne viendrait pas, se griffant les bras d’angoisse et tentant de calmer les violents excès épileptiques d’Enako qui suffoquait en portant les mains à sa poitrine, une écume aux lèvres en gémissant de souffrance.

« AKO !! AKO !! MAIS REPONDS AU NOM DU CIEL !! DES MEDICAMENTS ? QUELS MEDICAMENT !! »

L’enfant de la neige se calmait peu à peu mais un épuisement total semblait la couver et ses paupières s’alourdissaient d’elles-mêmes, plongeant la jeune fille dans un demi-sommeil gelé :

- Je suis…malade Ao-chan…
- Hein ? malade ? Et pourquoi tu ne me l’a pas dit !! Depuis longtemps ? C’est grave ? Tu te soigne au moins ? MAIS REPONDS MOI OU JE TE COLLE UNE BAFFE !! »


Redressant vivement son amie, la jeune demoiselle aux cheveux d’encre la secoua comme un prunier sans se soucier e ses plaies qui craquaient méchamment sous l’effort avant de coller son front contre celui de la malade :

- Dis moi petite Ako…

            Dans un souffle lent, elle lui raconta. Oh cher lecteur, je ne crois pas nécessaire de devoir répéter encore ce qui fut dit maints et maintes fois car si vous avez ne serait-ce que pris connaissance de l’histoire de la jeune Toshizo, vous saurez tout aussi bien que moi la triste maladie qui planait sur ses jeunes années depuis deux ans maintenant.
Ao l’écouta. Sans dire un mot. Sans laisser parler sa colère ou ses larmes.

Elle l’écouta.

Le récit fut long, triste et plus d’une fois, la jeune noiraude du la secouer sans brusquerie pour éviter que que tout soit interrompu par ses endormissements du à une fatigue intense. La malheureuse avait oublié son traitement dans la matinée et ses forces la quittant, elle n’était plus qu’un de ces poupées de chiffon molle que l’on retrouve au fond des coffres à jouet. Lorsque cette dernière acheva son histoire, elle guetta avec une anxiété terrible la réaction de son amie, en proie à l’indécision et l’inquiétude…elle s’attendait à une gifle, à de terribles remontrances comme elle savait les mener ou pire, à l’abandon de sa confiance…

Mais non.

              La boule de colère s’était transformée en une surface lisse, blanche, inerte, fantomatique et ne remua même pas les lèvres. Ses un son, elle eut un sourire tendre et calant la jeune Toshizo sur ses épaules, elle la ramena avec une infinie douceur chez elle en lui masquant son visage qui se chiffonnait et se crispait à chaque pas.
Lorsqu’elle arriva au domaine, toujours dans un silence quasi virginal, elle allongea sur le perron d’entrée d’un des bâtiments du vaste domaine en penchant son visage inondé de larmes de sang au dessus de la face blafarde de celle qui l’avait adoptée comme une autre, et posa son front contre le sien en murmurant :

- Oh stupide petite fille…Pourquoi a-t-il fallut que ce soit toi ? Pourquoi la vie ne s’est-elle pas contentée de mon âme ?

        Elle haïssait pleurer du sang. Ces larmes rouges lui coulaient parfois sur les joues lorsque sa peine et celle de son corps entrait en symbiose, passant au-delà des larmes en lui faisant verser ces perles carmins affreusement douloureuse. L’une d’elle s’écrasa contre la joue craie de la petite qui tendit une main dans un souffle :

- Ao…tu pleures…du sang ?
- Non stupide petite fille. Tu es fatiguée…
- Tu es….en colère ? Contre moi ?


Ao eut un sourire tendre et infiniment triste devant la mine apitoyée et dévastée de sa chère amie et lui ébourriffa très doucement la tête, inversant leur rôle pour la première fois :

« Stupide. Tu es tellement stupide petite noble ! Reste si innocente, tu le mérite. »

     Soucieuse de na pas être vue sur le domaine et qu’on l’accuse d’un crime qu’elle n’aurait pas commis, la jeune fille fit demi-tour et détala aussi vite que son état le lui permettait…non pas vers le domaine de son maître qui à cette heure-ci devait ronfler comme un porc, vautré au milieu des invités baignant dans les restes de banquets mâchés et recrachés…

Elle courrait vers la mer.

          Dressée sur le banc de sable qui longeait un fragment du vaste port, elle s’avançait vers les eaux noires et tranquilles, le visage rougie par les larmes et l’âme emprisonnée dans sa propre souffrance. L’eau monta sur ses chevilles.
Sur ses genoux.
Ses hanches.
Son nombril.

           Là, elle renversa sa tête en arrière et relâcha d’un seul coup vers le ciel, une aura de haine, de tristesse et de colère si intense que le ciel se teintait presque de noir au dessus de sa tête :

« ME VOILA CHIENNE DE VIE ! TU ME PRENDS ENAKO MAINTENANT ? EH BIEN REGARDE MOI ! REGARDE CE QUE TU AS FAIT DE MOI ! TU ES FIERE ? JE TE HAIS ! JE – TE – HAIS ! »

             Et d’un mouvement sec, elle arracha son kimono et plongea toute sa taille dans l’eau salée, laissant ses blessures à peine coagulées entrer en contact avec le sel et l’eau qui se jetèrent avec avidité sur les parcelles infectées de chaires en les brûlant avec une violence terrifiante. Le sel incendiait littéralement les plaies et l’eau balayait avec fureur les quelques croûtes qui avaient tentées de se former, dispersant autour d’elle une flaque visqueuse.

Ses hurlements n’avaient plus rien d’humain.
Il n’y avait plus rien d’humain en son cœur.
Juste un animal blessé.
Haïe.

        Elle ne dut sa survie qu’à l’intervention d’un groupe de pêcheurs qui l’avaient tirés de l’eau une heure plus tard et emmenés chez un médecin en catastrophe, chez qui son maître vint la chercher à peine les premiers soins prodigués, tiré de son coma éthylique.
Elle survécut mais au prix de deux larges cicatrices de part et d’autre de ses flancs, vestiges d’un jour qu’elle gardait comme un aperçu de l’enfer où elle risquait de passer l’éternité.

La boule de colère se fit monstre de haine, gravant dans son cœur la promesse d’une vengeance.

Vengeresse.




Chapitre 5 : Pour ma vie

C’en était assez.

Dix huit années. 216 mois. 6696 jours. Et plus d’heures que l’on n’en pourrait compter.
J’en avais assez.
Non, plus que ça…
Il était là.
Durant les années de souffrances qui s’étaient écoulées et malgré la douceur du petit ange d’Enako, le démon noir et sanguinolent de la haine rongeait mon âme et le goût de la mort était de plus en plus délicieux sur mes lèvres. Cette fragrance amère et douceâtre de la vengeance qui glissait sur tous mes membres, sirop noir et poisseux plus collant que le goudron et aussi sucré que le miel.

Ha…

               Mon âme était aujourd’hui plus noir que l’encore épais dans lequel je trempais mon pinceaux couleur d’ivoire il y a quelques secondes encore, traçant avec une habilité acquise par les années quelques kanjis sur une feuille couleur automne. Il glissait sur le papier en un froissement quasi inaudible, serpentant, obscure, déliés et pleins, courbes et arabesques dans un balais qui m’arrachait des larmes de douleur et de tristesse. Enako… Une boule me serrait la gorge et une autre cognait dans mon estomac alors que les phrases s’enchaînaient d’elles mêmes devant mes yeux… Je voulais lui dire plus, je voulais hurler toute ma reconnaissance, je voulais tuer ceux qui lui aurait fait du mal et plus que tout, j’aurais voulu que ce soit moi qui soit malade afin qu’elle vive avec l’insouciance et la pureté que je lui connaissais bien.
Dans un sursaut de colère, j’écrasais mon pinceau contre la table, y laissant un large tache noire et gueulait, les poings serrés :

« Saloperie de vie ! Si tu me hais, je n’en ai plus rien à faire ! Mais tu n’avais pas le droit de la toucher elle, espèce de crevarde ! Ca t’amuse de voir le monde pleurer ? Bas vas-y, regarde moi chialer sale chienne ! C’est pas comme si ça t’avais dérangé toutes ces années ! »

             Dans un soupir vibrant de rage, je dardais un œil sur la lettre achevée que je signais d’un trait leste du bout de mes doigts tachés d’encre puisque j’avais brisé mon dernier pinceau un instant plus tôt en serrant des dents pour contenir les premières larmes…

Enako, petit ange bleu

Je suis parti. Ni toi ni personne ne pouvait rien faire à l’horreur qui me dévorait de l’intérieur et depuis trop longtemps les séquelles sur mon corps sont une injure et un fardeau déjà trop lourd à porter.  Tu auras sûrement vent très vite du crime que j’aurais commis mais Ako, tu ne pourras changer une évidence ancrée en moi depuis maints et maints années.

J’ai pris goût à la mort.

Elle est un réconfort, une forteresse couleur de nuit et toi, Ako, tu étais la petite fenêtre qui me permettait de voir le ciel du haut de ce donjon de cendres. A jamais tu restes ma famille, ma sœur et mon amie, mais seules les douves de la tour pourront m’accueillir pour ce que je suis.
Ne me cherche pas, ne me suis pas et oublie moi pour un temps que je sais d’avance long.
Je ne sais où je vais à présent mais tout vaudra mieux que de rester ici…J’ai le mot « criminelle » gravé au fer rouge et toutes tes douceurs n’y changeront rien. Ne te mêle pas de ma fuite Ako, ne te mêle plus de rien me concernant.
Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur, encore moins à cause de moi. Tu m’as donné le droit d’exister, petit ange blanc, mais l’enfer et le paradis ne sont pas faits pour rester ensemble à jamais, tu le sais bien.

Soigne-toi, mon cœur t’accompagne. Tu restes tout ce que je possède.

Ao


            Je reposais mon pinceau alors qu’une larme venait claquer contre la feuille, effaçant à demi de « o » de mon nom, le cœur en fouillis et l’âme en dérive. Tellement injuste… Bah, en c’était une réflexion stupide avais-je envi de dire ! Depuis le commencement, y avait-il rien eu de juste dans ce monde ? Ces dix-huits années étaient passées comme dans un rêve, un de ceux où l’on n’arrive pas à hurler, à courir et où tous nos mouvements sont flous, à la merci des monstres rouges qui ricanent en se mouvant librement tout autour de nous.

Le démon de la colère, de la mort et de la violence ne m’avait pas quitté au contraire, il s’était plus que jamais renforcé et plus d’une fois le mobilier en avait cruellement souffert…J’avais besoin de hurler, d’exploser, de vomir tellement d’horreur que le village entier en crèverait et plus que tout, la sensation d’avoir du sang sur les mains ! Il fallait que je voie de mes propres yeux pourquoi je sentais mes mains si poisseuses et si collantes, il me fallait une raison pour être ainsi haïe !
J’essuyais dans un chiffon usé mes doigts fraichement taché et passait ma langues sur mes lèvres, recueillant une seconde larme sur le coin de ma bouche, y laissant un goût amer et salé. Dans un ballet de gestes méticuleux et soufflant quelques secondes sur l’encre brillante qui s’opacifiait, je pliais le petit papier et le fourrait dans ma poche en murmurant une parole inaudible au ciel.
J’avais pris ma décision.
                  Pourquoi fuir et partir comme la voleuse que j’étais, abandonnant la maigre vie que l’on m’avait imposée si ce n’était à cause de lui…De cet homme si détestable que mon sang battait contre mes tempes à la seule évocation de son être. Trop d’années passées en sa triste compagnie avaient scellées mes paroles et mes gestes devenaient plus violents autant que les siens, nous dressant l’un contre l’autre, inversant les rôles quand je le pouvais mais toujours plus faible en voulant prendre le dessus. Monstres de chaire et de haine, nous étions deux armées à nous tout seul, à nous entre déchirer, lui pour les plaisirs sordides et pervers du corps qu’il n’obtenait jamais et moi pour le sang poisseux et noir de sa gorge que je n’obtenais pas plus à l’issu de chaque confrontation.

            Une nuit fut celle de trop. Plus d’une fois ses intrusions nocturnes avaient eu raison du peu de sommeil dont je bénéficiais mais toujours la providence m’avait permis de fuir ou de lancer sur l’homme quelques décharges électriques pour le mettre hors d’état de nuire le temps de grimper sur le toit du domaine en rongeant la lune des yeux. Ce soir pourtant, le saké avait eu raison de ses pensées et c’est à la manière des porcs avides de pâture qu’il s’était jeté sur moi, faisait toute abstraction de la pudeur en déchirant la mince chemise trop large que j’enfilais pour dormir, usée et froissée.
J’avais hurlé, mordue, griffée, asséné des coups violents mais malgré son corps qui se couvrait d’hématomes, le seigneur de Yuki refusait de lâcher sa prise et s’évertuant à engloutir ma poitrine entre ses lèvres écumantes quand ses doigts cherchaient le creux de mes jambes. Dans un sursaut sauvage, j’avais enfoncé mon visage dans la peau flasque de sa gorge en y plantant les crocs, déchiquetant la chaire sans tenir compte de ses hurlements animaux, une main m’arrachant les cheveux pour ôter ma prise tenace. Je refusais de céder ma proie, grondant de haine en sentant sa main libre  écraser mon sein droit et enfonçant les canines plus profondément, m’effrayant presque du plaisir que j’éprouvais à m’approcher de la jugulaire.

Je voulais le tuer. Pour de bon. Il devait mourir.

      Me rejetant brusquement en arrière, je m’arrachais à demi à son emprise, tandis qu’hagard et hébété, il portait ses mains à sa gorge ruisselante de sang, les yeux révulsés et le souffle court. Une écume rougeâtre montait au creux de ses lèvres et aussi froide que la nuit, je m’agenouillais devant lui en offrant à son visage déformé un sourire presque tendre d’une cruauté sordide :

« Vous allez mourir ce soir très cher maître. Et je prie le diable qu’il vous garde en son sein une place des plus détestable ».

                Il avança une main sanglante vers moi mais d’un bon fulgurant, je lui ressautais à la gorge, plongeant avec une délectation malsaine dans mon ouvrage écorché, fouillant des dents la peau flasque pour chercher la jugulaire qui signerait sa mort. Ses mains battaient dans le vide, grotesquement et il se renversa sur le dos en poussant des cris de goret, me permettant de grimper au passage sur son imposante poitrine. L’avantage de ma taille et de ma légèreté me permettait de rester à califourchon, animal sauvage que plus rien ne retenait à la raison et une envie de tuer collé contre le corps. De là, le diable ne voyait à la lumière de la lune qu’un corps déchiqueté à la gorge et une silhouette sombre ébouriffée, démon, le visage et les bras couvert de sang, les yeux luisants de haine et les crocs noirs englués grondants. Bientôt, ses plaintes se firent plus sourdes et son gras tressautait bien moins vivement alors que je m’engluais d’hémoglobine, cherchant toujours plus rageusement la veine de vie de ce bâtard.

Ne la trouvant pas au milieu de la masse, je renonçais et préférait le laisser se vider progressivement alors que le matin pointait déjà…

Merde !

                Les domestiques ne tarderaient pas à chercher leur maître et à en juger par la lumière perçant la fenêtre, il ne me restait qu’une bonne heure avant que le domaine se mette en branle. Délaissant le simili-cadavre, j’avais ôté ma chemise en lambeaux et passé sur mes épaules un gilet pourpre, bandé ma poitrine et enfilé un long pantalon noir serré aux chevilles, tenues que j’utilisais durant les entraînements.

           Voilà, j’en étais là. J’avais pris mon matériel et écrit la lettre à côté du corps, sans lui jeter un regard et sans débarbouiller le sang sur mon corps, laissant un goût métallique sur mon palais. N’ayant aucun bien utilise à emporter, je ne pris avec moi que l’unique kunail que je possédais, donné par Enako ainsi qu’une vieille bague où j’avais gravé mon nom que je souhaitais lui laisser avec le message.
Ombre brumeuse dans l’aurore, j’avais déposé le message au même endroit que celui où j’avais emmené Enako, au jour où je découvris sa maladie par le biais d’une de ses terribles crises dont j’aurais voulu effacer le souvenir. Caressant le papier des yeux, j’y déposais le petit présent rond en murmurant : »

« Ne me suis pas, petite noble. Ou un jour j’en viendrait à devoir te tuer, toi aussi ».

Franchissant les frontières du village en courant à perde haleine, je ne partais qu’avec ma colère. Je n’avais rien, ni à manger, ni identité reconnue, ni vêtements hormis ce que je portais, ni rêves, ni espoir et encore moins d’avenir.
Le monde s’ouvrait devant moi tandis que mon âme se refermait.

A partir de maintenant, j’étais seule.




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Assia Toshizo
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MessageSujet: Re: Ao Nanashi, arme au service de la brigade   Ao Nanashi, arme au service de la brigade EmptyLun 10 Mar - 10:01

Alors, tout d'abord, bienvenue à toi sur Naruto Uprising Rpg. Alors pour l'évaluation de ta présentation :

Concernant tesdescriptions physiques et psychologiques :
Agréables descriptions d'une certaine quantité mais avant tout d'une bonne qualité. J'arrive à bien cerner ton personnage et ces descriptions correspondent à ton histoire de vie, ça reste logique et compréhensible. Tu fais des métaphores agréables et indispensables pour rendre vivant ces descriptions. Je préfère le caractère qui est vraiment intéressant et que j'ai beaucoup apprécié lire. Peu de fautes d'orthographe et peu de choses à dire Wink


Concernant ton histoire :
Une très longue histoire intéressante et peu banale. Franchement, ton histoire allie qualité et Quantité. Tu as un bon style d'écriture agréable mais parfois essoufflant. Je m'explique, tu embellies beaucoup tes phrases avec des métaphores, de jolis vocabulaire, des descriptions ce qui est indispensable pour rendre l'histoire vivante et imaginable, mais parfois c'était trop je trouvais. Ce n'est pas une remarque négative ou méchante hein, mais c'est qu'à moment donné on a envie de voir avancer cette longue histoire et on a envie que ça passe plutôt que de s'attarder sur des métaphore de métaphore Wink ! Après, c'est une superbe qualité de pouvoir rendre aussi vivante l'histoire et pour ça bravo, mais pense aussi à ne pas en faire trop. J'ai pu remarquer aussi quelques phrases qui n'étaient pas des phrases, enfin au début de paragraphe c'était plein de métaphore mais tu te retrouvais au final avec une phrase plutôt longue (2-3 lignes) sans verbe conjugué ce qui était dommage et peu utile dans l'histoire. Voili en quelques mots mais sache que ton histoire est intéressante, agréable, de bon style d'écriture et d'une très grande quantité.

Comme tu désires intégrer les nukenins sans passer par un village, j'en ai discuté avec Hijikata et il est vrai que nous ne désirons pas que les Nukenins soient d'un niveau extrêmement élevé et plus nombreux que dans les villages. Après, ta présentation mérite un niveau assez élevé, donc j'ai été un peu partagé...

Je décide donc de te valider Chuunin, Rang B, Level 17 Donc je te validerais Chuunin mais tout en sachant qu'après un ou deux rps tu pourras demander pour passer "Juunin" même si dans les déserteurs, le grade n'a pas vraiment de sens. C'est surtout le Rang et le Level qui importe et tu pourras rapidement avec ta qualité atteindre le rang A.

Voilà, attente d'un second avis !

Bonne continuation et pour toutes questions ou précisions quant à mon évaluation, n'hésite pas à me le demander.

Félicitations cat
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MessageSujet: Re: Ao Nanashi, arme au service de la brigade   Ao Nanashi, arme au service de la brigade EmptyLun 10 Mar - 11:12

Bonne présentation dans son ensemble, comme la dit Assia fait attention à ne pas t'enfermer dans les métaphores autrement le reste est relativement bien.


Tu es validée donc Nukenin rang B level 17

Tu peux aller faire ta fiche technique et ton carnet de bord.

Cordialement Hijikata Toshizo.
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