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« TOC TOC »

                Les bruits sourds résonnants contre ma porte m’arrachèrent un hululement de frayeur et jetant en l’air les armes que je polissais depuis la naissance des aurores, je tombais à la renverse en fracassant par la même occasion ma tête contre le sol. Une douleur fulgurante traversa en une fraction de seconde le chemin entre mon lobe frontal, ma tempe et la base de ma nuque qui craquèrent sinistrement avant de grincer en signe de protestation.

Allons bon…

               Ma réaction aux abords disproportionnés tenait à peu de chose en réalité puisque cela devait bien faire…deux ans que pas une âme n’avait eu la sympathie nécessaire pour frapper à ma porte branlante et même les ordres de mission étaient glissés à la va-vite sous le pas de la porte, ultime geste de mépris et de dédain dont j’avais fait un quotidien presque lassant. Quant à Ryuk, il ne se donnait pas la peine d’une telle politesse et entrait quand et où bon lui semblait ! Aussi, ces deux sons anodins m’intriguaient et c’est en me frottant les cervicales, grognant comme un chat que l’on aurait bousculé à son réveil que je me trainais vers la porte, un œil à demi-fermé et les cheveux en bataille. Débloquant d’un mouvement sec du poignet le loquet de la porte - qui ne servait pas à grand-chose par ailleurs au vue de l’état délabré de cette dernière -, je l’entrouvris légèrement en passant un nez curieux, la mine légèrement méfiante en dévisageant l’homme qui se tenait roide et le visage austère juste sur le pas de ma porte. Il s’inclina alors sèchement et je sursautais en ouvrant le battant en grand !

            A l’insigne sur son plastron d’épaule, j’avais affaire à un membre d’élite du village soit exactement le genre de personne qui n’aurait même pas poussé la politesse à venir jusqu’à chez moi, préférant passer à la limite par un faucon messager. Sa présence était d’autant plus troublante que son attitude à la limite respectueuse tendait à penser que la chose était des plus importantes. D’un mouvement sec, il me tendit une missive officielle et scellée que je contemplais avec stupeur, quelques mèches indisciplinées obscurcissant ma vue… que diable pouvait vouloir cet homme à une heure si matinale ? M’inclinant à mon tour, je le questionnais sans détour, le ton légèrement sarcastique :

- Que me vaut l’honneur de la visite d’un membre de votre rang en cette heure matinale ?

L’homme tiqua.

- Il vous a été confié ainsi qu’à d’autres membres des cinq grandes nations une mission d’une grande importance au milieu d’une situation politique extrêmement complexe ! Le contenu se trouve dans cette missive.

De la politique ? Damn. Si il était bien une chose dont j’avais horreur c’était ces échanges infernaux des heures durant à décider si il fallait changer la couleur de la salle de bain du daimyo au lieu de se préoccuper des ennuis des habitants, préoccupation autrement plus noble. Il reprit :

- Assurez-vous de la discrétion la plus absolue. Ceci n’est pas une de vos dangereux petits raids et vous savez pertinemment que les anciens n’approuvent pas votre participation…
- Moi aussi je suis ravie d’avoir fais votre connaissance. Je ne vous souhaite pas bonne journée.

           Et sans plus lui laisser le temps de répondre, je refermais la porte avec violence en grinçant des dents. Il était parfaitement inutile de ma rappeler le mépris que me portait ce vieux cercle d’imbéciles ! S’ils n’approuvaient pas mes excursions ou les malheureux emprunts que j’avais commis, ils n’avaient qu’à payer plus généreusement.
                Déroulant le parchemin, je le parcourais avec attention en mâchonnant une mèche de cheveux d’un air absent…avant d’éclater soudainement de rire ! Escorter une princesse ? De l’esprit d’équipe ? Soit ils étaient devenus fous, soient c’était une blague ! Bah…c’était une mission officielle et le rang B ne payait pas mal aussi n’allais-je pas cracher sur la missive. Qui plus est, cela me donnerait peut-être l’occasion de revoir quelques visages dont j’avais déjà fait la connaissance par le biais de missions plus anciennes.

                  Faisant un petit demi tour sur moi-même, je farfouillais dans un tiroir pour dénicher une carte que Ryuk avait eu la gentillesse de chercher pour moi dans les archives du village…Le pays du fer donc…Oh j’y avais déjà mis les pieds une fois suite à une certaine « étourderie » qui m’avais coûté sacrément cher mais il s’agissait là d’un lieu bien précis aussi, je laissais mon doigt parcourir le papier jaunis, les sourcils froncés. J’avais cinq jours…Parfait. Le parchemin stipulait un climat glacial et enneigé…Mêmes les forces de la nature me haïssaient ou quoi ? Pourquoi fallait-il que l’on début exactement sous le type de climat dans lequel j’étais à peu près aussi à l’aise qu’un steak tartare dans un poêle à frire ? Plissant légèrement le nez, je décrochais ma sacoche de voyage du clou sur le mur et éparpillant mes quelques ressources sur le sol, je fourrais dans cette dernière une couverture qui conservait bien la chaleur pour la nuit, un long manteau couleur de cendres élimé par les années mais qui se fondait à merveille dans le décors, une deuxième écharpe tout aussi écorchée que la première, une série de kunails et de shurikens, deux bombes lumineuses, des réserves de nourriture pour le trajet, un peu de monnaie, de quoi écrire… je réfléchis un court instant…de quoi diable pouvait-on avoir besoin pour escorter une princesse ?

J’eu un sourire presque cruel en imaginant une peste aux cheveux blonds en train de pleurnicher au bout de deux heures de routes.

                  Passant un doigt songeur sur ma tempe, je passais le sac plein sur mon épaule, appréciant le poids de cette dernière en poussant un soupir satisfait puisque cela rappelait à mon corps qui s’éveillait de son immobilité que nous allions de nouveau bouger et pour un bout de temps cette fois. Ouvrant la porte, je jetais un dernier regard laconique sur la pièce en fouille vide en haussant les épaules. Ryuk se ferait une joie d’y farfouiller de toute manière et heureusement que j’avais caché les sous-vêtements. Hum.


4 jours et 5h plus tard :


                 Si j’avais su, j’aurais déniché un bonnet, des gants et une bonne dizaine de bouillottes portatives… Ayant sacrifié quelques heures de sommeil, j’avais pris un peu d’avance sur l’horaire stipulée pour la rencontre et piétinait depuis maintenant une heure dans la neige en reniflant, engoncée dans mon manteau à rêver qu’une éruption volcanique vienne balayer tout ça. Mon nez était devenu tout rouge et les petites choses bleues qui me servaient de doigts tapotaient nerveusement sur ma sacoche… Au moins je ne m’étais pas perdue ce qui était un sacré progrès…si on mettait de côté le fait que j’avais redemandé mon chemin sept fois à la même personne qui avait finis par me conduire en personne au point de rendez-vous avant de partir en gueulant sur l’incompétence des jeunes (et patati et patata).
Jetant un œil curieux à droite et à gauche, j’avisais un toit légèrement moins pentu que les autres et d’un bond souple, m’y perchais en grommelant, me donnant par là une vue imprenable sur le centre du petit village. Au vue de la lumière malgré le ciel neigeux, les autres n’allaient pas tarder.

Prenant mon mal en patience, je rentrais le cou dans mon écharpe et me perdit dans la contemplation de ces petites choses blanches rares de part chez nous.