Nourrir l'imagination, tant et toujours, pour que jamais ne s'éteigne la flamme qui la ravive. Etablir, conserver, un quotidien sans remède pour les penseurs, les charlatans et les rêveurs. Fourbes ou naïfs, tous y trouvaient leur compte, y gagnaient en rêve, ou encore en richesse, d'esprit ou d'or et d'argent, peu importe tant qu'elle contentait la bonne personne et qu'elle composait sa plus précieuse fortune. A travers les légendes.

Les légendes. Conceptions la plus évidente des Hommes de ce besoin de croire, de s'imaginer et d'envier. De craindre également, car quel homme n'aimait pas s'effrayer de temps à autre pour évaser son besoin naturel d'adrénaline. Un besoin imbécile mais auquel se tenaient étrangement tous les représentants de la race humaine n'étant pas désireux de mettre autrement leurs vies en danger, sauf en sacrifiant le peu de neurones et de logiques que leurs boites crâniennes étaient parvenues à sauver. A croire que l'homme se plaisait à s'abrutir de son plein gré et à se perdre dans l'improbable de l'univers qu'il se conçoit. Univers peuplé de visions idéalistes, de créatures aussi étranges qu'invraisemblables, telle cette sorcière pour laquelle le peuple de Kusa se déchirait, aussi irréaliste qu'imbécile. Imbécile comme tous ces crétins qui croyaient en son existence, et Mana n'était pas de ces personnes-là.

Depuis son intégration aux rangs de Kumo, la kunoichi n'enchainait des missions que de bas rang et d'intérêt tout aussi moindre. Un enchainement de catastrophes, de gamins en fuite, escarpés dans les dangereux alentours de leurs cités, et incapables de s'en sortir sans le soutien de shinobis en manque cruel d'activités plus intéressantes. Autant dire que l'ancienne nunkenin ne progressait pas dans sa quête de puissance et de force afin d'éradiquer ce clan qui, lui, sans aucune peine avait aboli toutes les bases de sa pauvre vie de chuunin sans pouvoir. Une triste constatation et qui la mènerait sûrement à l'abandon de ses rêves, une perspective d'avenir à laquelle Mana n'était pas prête de s'abandonner, entre ses mains la lame effilée de sa destinée, dans le regard les reflets du sang qui s'était déversé. Le souvenir d'une larme. Un souvenir dont il était bien malgré elle difficile de se rappeler.

Cette mission, à son plus grand désarroi et pour son plus inexplicable tourment, représentait une ouverture qu'elle n'avait pas le droit de laisser passer, pas dans sa situation des plus chaotiques. Emprisonnée entre quatre murs qu'elle n'avait pas les moyens encore de rembourser, labourée par ses doutes et l'esprit préoccupé par le prochain objectif de la mission auquel son nom d'adjoignait à celui de Jin Kaza. Un nom qui ne lui était pas inconnu, contrairement à ces contrées qu'ils s'apprêtaient à explorer, à plusieurs jours malheureusement de leurs splendides vallées nuageuses, vallées au sein desquelles toutefois la fille du désert ne cessait de se dérouter en osant s'y aventurer sans l'aide de l'un ou l'autre collègue shinobi étant plus informé sur les environs que ses quatre malheureuses années de résidence à Kumo. Cible d'un tel manque de sens de l'orientation, certains s'en seraient gênés. Pour Mana, ce n'était qu'un misérable défaut à corriger. Un défaut semblable à celui qu'ils se devraient de corriger une fois à Kusa. Cet horrible défaut d'oser croire dur comme fer à l'inconcevable.

Elle remontait à des années, la dernière occasion que la fille de marchands eut de revêtir des habits tels que ses parents en portaient autrefois. Un habit conçu autant de tissus que de poussières, imprégné de l'odeur dorée du désert et de l'effluve piquante du soleil. Un parfum délectable. Une chaleur olfactive mêlée aux fibres usées. Un passé brun et d'une douceur que les peaux fragiles ne connaissaient pas. Un bien-être dont malheureusement la peau halée de la jeune femme de vingt ans se trouvait insensible, de par sa personnalité et du manque d'émoi qui caractérisait son être. Sous la protection du manteau et invisible à hauteur du pantalon en toile, Mana avait installé son fourreau et y glissait à présent le tendre danger de son sabre, le bronze de la garde confondu aux teintes terres de la cape. Son sombre regard effleurait le ciel bleu qui naissait de l'autre côté de la fenêtre de la pièce de vie. Effleurait pour s'effacer aussitôt sous les voiles de peau exagérément marquées de khôl et que sa frange noire goûtait sans réellement avoir l'opportunité de les caresser.

"Pardonnez-moi, auriez-vous vu Jin Kaza ?"

Signe négatif de la tête, un léger coup d'œil de travers, et le shinobi passa son chemin. Ils connaissaient pourtant son visage en ces enceintes, et ils la dévisageaient encore comme s'il s'agissait d'une étrangère. Drôle d'attitude mais que Mana préféra ignorer et elle passa à son tour son chemin. Pourquoi perdre du temps inutilement alors qu'ils prenaient assez de retard à se chercher à travers les rues si peu animées de Kumo en ce vaste matin ? La chuunin entama un nouveau tour de la ville, afin de s'assurer de sa présence en ces murs, une nouvelle promenade sous un soleil blanc et un ciel étrangement brunâtre de poussière. A la conclusion de celle-ci, la kunoichi s'établit à l'entrée du village et patienta. Ses doigts tournait et retournait la bonne tenue de la mèche qu'elle avait tressée à l'aide de ses ordinaires rubans rouges. Le temps, une belle torture décomposée en minutes et en secondes, et qui bien heureusement prit fin au terme de cinq ou dix minutes d'attente; Mana ne détenait pas non plus la notion du temps.

"Bon matin, Jin. Comment te portes-tu ?" lui demanda-t-elle sans véritable intérêt pour toutes ces formalités que ses parents lui avaient inculquées et sans prêter véritable regard à son interlocuteur. "J'imagine que tu as pris connaissance de la mission qui nous incombe et que son caractère expéditif n'est pas à éclaircir. Autant de suite nous mettre en route, nous avons quelques jours de trajet devant nous."

Sur ces mots, la kunoichi sous ses apparences de voyageuse du désert donna le ton du départ. Laissant battre sa capuche sur le dos de sa cape et sur le sac dorsale y étant dissimulé, Mana se précipita sur les sentiers qu'elle avait déjà empruntés par le passé, autant en tant que Sunajin, en tant que nunkenin, et aujourd'hui en tant que Kumojin. Autant d'identités qui l'inconvenaient et qui la désobligeaient. Autant de morales à apprendre puis à oublier, sans vraiment les oublier, juste pour les archiver, quelque part, et les ressortir au moment venu, comme à ce jour où la chuunin se contraignit à s'affubler de telle façon. Afin de passer inaperçu, parce que la présence de shinobis à l'intérieur des cavernes où s'était soi-disant réveillée la sorcière attiserait les mœurs de nombreux des habitants. Pour des intérêts qui ne la regardaient pas et qui ne l'intéressaient pas. Parce que le métier de shinobi, c'était aussi ça : subvenir au besoin des autres sous leurs conditions, sans penser, juste en agissant. Parce que l'égocentrisme n'était pas un sentiment isolé.

Ils amorçaient le départ en direction de Kusa, enfin. Quelques jours plus tard, ils atteindraient son territoire et rentreraient en contact avec la fille du grand prêtre. Mana n'avait plus qu'à prier pour que la vérité éclaire cette fourbe histoire de sorcellerie.