Murmures prometteurs
dans la nuit étoilée

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Le soleil couchant... Un spectacle magnifique que pourtant peu de personnes prennent le temps d'apprécier réellement : du haut des montagnes qui surplombent Kumo, la vue devait vraiment être splendide, tel un tableau dépeignant les couleurs du feu et de la foudre, dans une explosion de rayons lumineux. Encore fallait-il grimper tout en haut de ces roches vertigineusement hautes... Kogomi n'avait pas eu le luxe, en ce jour fortement ensoleillé, de profiter du déclin de l'astre divin. De temps à autre, elle partait de chez elle et s'astreignait à gravir les centaines de mètres de hauteur qui séparait le village du sommet des montagnes. Non, en ce moment même, elle prenait un peu de temps pour se nourrir : les affaires du village ne lui laissait que peu de temps pour penser à rassasier ses besoins vitaux (enfin, en parlant de boire et manger seulement...). Du coup, il lui arrivait souvent de manger sur le pouce. Ce soir, elle pouvait enfin se poser un peu et prendre le temps de déguster un repas. Elle avait acheté des boulettes de porc pour le plat chaud et s'était concocté rapidement une soupe de légumes pour l'entrée. Quel bonheur de sentir le fumet du bouillon tout juste préparé... Un plaisir sans nom. La jeune femme s'installa dans un fauteuil, et commença le festin. Après avoir englouti son bol de soupe, elle fit cuire les boulettes à la poêle et les dégusta accompagnées d'une sauce aigre douce. Cette fois-ci, elle prit le temps de manger correctement : un peu de paix avant de repartir dans les entrailles du village...

La nuit s'immisçait peu à peu dans le ciel, faisant naître les ombres partout, invoquant la pénombre et ses recoins lugubres. Afin de se préparer à son expédition du soir, Kogo se prépara sans aucune lumière : il fallait que ses yeux s'habituent à l'obscurité (même s'ils avaient déjà une prédisposition naturelle pour cela). Son trajet n'allait pas être bien long, mais elle devrait faire quelques détours par des endroits privés de lumière, là où la discrétion est de rigueur et où le ninja exerce son talent... Elle devait se rendre dans le quartier des Yotsukis, une division spécifique de Kumo, où résidait des ninjas puissants et avides de force. Un clan respecté de tous les shinobis de Kumo, de par leurs exploits guerriers passés et leurs techniques sans nulle autre pareille. Mais il n'y avait pas que ces illustres ninjas qui vivaient dans cette partie du village caché ; on pouvait y trouver, entre autre Jin Kaza, renommé pour être le bretteur du Nord, l'espiègle, le combattant ardent... et son disciple bien entendu. La rousse se disait qu'un homme de sa trempe devait se sentir à l'aise là-bas, entouré de toutes ces montagnes de muscles, respirant l'effort et la volonté...

Aller le chercher dans un quartier où le couvre-feu est enclenché à 23H, et où les ninjas chargés de le maintenir sont loin d'être des manchots, prêt à trancher tout ce qui bouge, sera un défi pour Kogomi : elle aime énormément ce qui fait augmenter son taux d'adrénaline, fait battre son palpitant, jusqu'à en avoir le souffle coupé... Elle n'irait peut-être pas jusque là ce soir, mais la partie était prometteuse. Vêtue de noir et autres tons sombres, elle s'enfonça dans les rues éclairées, et finit par atteindre une partie où la lumière diminuait peu à peu, à proximité d'un parc. Elle sauta sur un toit, franchit plusieurs bâtiments en sautant, puis atterrit finalement sur une barrière en bois ; à partir de ce moment là, elle devrait ne faire aucun bruit et éviter tout contact avec un garde. On pouvait se demander pourquoi elle ne se présentait pas tout simplement comme bras-droit aux molosses, procédure que tout être normalement constitué ferait, afin de s'éviter des problèmes... Il fallait que cette rencontre se fasse dans le secret, car la kunoichi comptait parler à Jin très sérieusement, au sujet de son comportement avec la Raikage, du combat qui s'était déroulé dans le temple (et le mettre en garde contre des actions similaires futures) ainsi que sur l'entraînement qu'elle comptait lui faire suivre. Tout cela ne devait pas être détecté par un quelconque ninja de Kumo : elle avait foi en Jin, et ne comptait pas le laisser en rade si facilement...



Après le franchissement du mur qui délimite le fameux quartier, tout en cela en prenant bien soin de garder un œil sur les sentinelles, Kogo se faufila au sommet d'un bâtiment, et s'agenouilla : lui faisait face un champ de maisons aux toits similaires, ne laissant que peu  de marge de manœuvre possible. Pour trouver l'ombre, il allait falloir se faufiler dans les veines du quartier... Heureusement, l'appartement de son élève n'était pas loin de son emplacement. Avec une grâce féline, la rousse se cachait derrière un baril quand une sentinelle passait, puis sautait sur un toit pour ensuite redescendre au sol, et enchaîner quelques pas jusqu'à un pilier. Sa progression s'avérait assez fluide, puis un duo de gardes fit irruption dans une ruelle quand Kogo s'apprêtait à descendre par une gouttière. Elle retint son souffle, saisit un caillou coincé entre deux tuiles, et le projeta loin derrière elle. Alertés par le bruit, les deux hommes se dirigèrent d'un pas rapide vers la nuisance sonore, laissant ainsi la jeune femme finir son glissé vers le sol. Elle continua sur plusieurs mètres... et se retrouva devant l'appartement recherché. Ne restait plus qu'à attendre celui à qui elle voulait parler.

Une dizaine de minutes plus tard, elle entendit le cliquetis des sabres de Jin ; elle sortit de sa cachette et se ficha devant la porte du bâtiment. La surprise qu'elle lut sur le visage du bretteur la fit doucement sourire, il ne s'attendait sûrement pas à la voir ici. Après l'avoir fait rentrer prestement, il commença râler : Kogomi le laissa finir sa phrase, avant de prendre la parole posément, sans hausse de ton :

- Je te prierais de ne pas être aussi bruyant en ma présence, la nuit aime le silence et la discrétion. C'est pour cela que je viens te voir à une heure aussi tardive : il faut que l'on parle, et sans hurlements s'il te plaît. Tu dois bien en être capable non ?

Les sourcils froncés de Jin ne l'enchantait pas, mais elle devait être calme, et prête à éteindre ses cris s'il en poussait. La rage montait facilement en lui, et même si les sentinelles devaient avoir l'habitude, il ne faudrait pas que cette discussion se finisse en combat... Elle murmura :

- Tu fais beaucoup de bruits dans Kumo, ces temps-ci... Ton comportement face à la Raikage me laisse encore perplexe, d'ailleurs. Qu'est-ce qui t'as pris ? Je veux bien être là pour rattraper tes sautes d'humeur, mais il va falloir faire preuve de plus de prudence à l'avenir!

© Eryu/Yaku

Explications
nocturnes

"Il est vrai qu'on apprend plus vite sur le tas qu'en théorie."

Les yeux plantés dans ceux de son disciple, Kogomi s'assit lentement à l'endroit indiqué par celui-ci, bien en face de lui. La situation ressemblait à s'y méprendre à une confrontation mentale : aucun bruit, un calme pesant, lourd de suppositions et de paroles refoulées. Jin lui cachait quelque chose, ou du moins il avait du mal à l'exprimer à l'oral. Bien sûr, elle était un peu venue pour lui faire la morale, mais aussi pour voir comment il allait : avec les tâches qui lui étaient assignées de par son poste, elle ne le voyait quasiment plus. Déjà qu'elle avait réussi à trouver son lieu de résidence et à s'y rendre en pleine nuit malgré le couvre-feu... Mais c'était nécessaire, puisque la situation semblait plus grave, quand on la regardait d'un autre angle, qu'elle n'y paraissait. Son élève avait changé, en quelques semaines : il avait les traits plus tirés, comme si les épreuves qu'il avait subi dernièrement l'avait plus usé que les précédentes. Pourtant, un guerrier fait de roc comme lui avait dû en voir des pires...

« Je vais quitter Kumo. Ici, je ne me sens plus chez moi ! »

Ces propos, aussi cinglants soient-ils, elle s'y attendait. Il est vrai que la Raikage n'avait pas été tendre avec lui, depuis qu'elle s'était intéressée à son cas. L'affrontement dans le temple, les blessures physiques et morales qui en avaient résulté... elle pouvait comprendre tout cela. Tout homme, même le plus fort et le plus tanné par la vie, ne peut rester insensible à ce genre d'incident. Être déshonoré, voir sa force bafouée par un supérieur qui ne peut comprendre votre situation... Kogomi comprenait tout cela, elle l'avait déjà vécu. Mais chaque ninja est un cas particulier, et elle ne savait pas tout de Jin. Il gardait soigneusement son jardin secret, ne laissant filtrer aucune information sur son passé. Tout ce qu'elle savait de lui, c'est qu'il avait vécu en rôdeur et en solitaire avant de venir à Kumo, de par sa supérieure. Mais comment raisonner quelqu'un quand on sait si peu de cette personne ?

« La vie à Kumo n'est pas toujours facile, encore plus pour quelqu'un qui a mené une vie seul, sans hiérarchie. Je ne voulais pas t'offenser en te faisant la morale, juste déclencher une certaine prise de conscience. Mais je vois que j'ai frappé au mauvais endroit... A part Maya, qu'est-ce qui te pousse à vouloir partir ? »

Il y a une chose qu'elle ne comprenait pas : leur chère Kage l'avait pourtant bien mis en garde que s'il s'avisait de vouloir quitter le village, et donc déserter, elle le tuerai de ses propres mains. Kogo le couvrirait bien, mais dans tous les cas, son départ anticipé parviendrait aux oreilles de la toute puissante... Alors pourquoi s'obstiner ? Mourir ne faisait sûrement pas partie de ses plans, il avait encore bien trop de choses à accomplir, notamment devenir un sabreur hors pair. Elle devait en savoir plus, et de cela dépendrait la suite : si elle le laissait partir en l'épaulant, ou si elle devrait user de la force pour le convaincre de rester...

© Eryu/Yaku