Des paroles plus blessantes
que des armes

" « Il vaut mieux subir l'injustice que la commettre.»"

Son disciple inconscient sur son épaule, la Raikage marchant à ses côtés : Kogomi se rongeait les sangs pour les blessures de Jin, qui ne semblaient pas anodines. Elle s'en voulait terriblement d'y être allée aussi fort, alors qu'elle aurait peut-être pu lui éviter une fracture ou quelques plaies. Seulement, elle avait voulu protéger Maya à tout prix, et ce sans se soucier de la sécurité de son élève. Au départ, le combat qui venait d'avoir lieu était destiné à être un simple test, et non pas un règlement de comptes. Les mots que Maya lui avait adressés l'avaient touchés au plus profond de lui même, réveillant en lui un instinct vengeur, désireux de rétablir son honneur.
Le bretteur serait la première personne à qui Kogo allait transmettre son savoir du combat ainsi que l’exécution de techniques si le besoin s'en faisait sentir. Elle espérait que les blessures ne seraient pas trop grave et qu'il pourrait vite se remettre, et ce sans séquelles... Mais la priorité était ailleurs : prodiguer les soins nécessaires le plus vite possible. Sur le chemin, sa supérieure vérifiait fréquemment le pouls du jeune homme : malgré la déception qu'elle ressentait pour le combat qu'elle avait engagé avec Jin, elle semblait extrêmement soucieuse de son état. Peut-être même plus que Kogo. Un Kage, de quel pays qu'il soit, devait veiller sur ses troupes, cela faisait partie de son rôle, et peu importe si certains des ninjas sous ses ordres ne lui inspirait pas l'affection ou même une quelconque forme de respect. La rousse comprit que la notion d'honneur que Jin portait en lui avait tout de même touché la Raikage : Maya semblait particulièrement attentive à cela quand elle apprenait à connaître un shinobi.

Sur le chemin, les deux kunoichis engagèrent la conversation ; le silence, même s'il pouvait paraître de rigueur dans une situation comme celle là, pouvait parfois peser trop lourd. Et un moment comme celui là ne risquait pas de se reproduire de sitôt, les responsabilités que les jeunes femmes portaient sur leurs épaules ne leur laissait pas le temps de chercher à se connaître l'une l'autre. Alors quand la Raikage lui demanda d'où elle venait, Kogomi lui répondit, avec embarras, que malgré une enfance et une adolescence à Suna no Kuni, elle était originaire du pays des nuages, mais elle ne savait pas d'où exactement. Elle n'avait aucun souvenir des ses véritables parents, seulement ceux des personnes qui lui avaient tenu lieu de géniteurs pendant près d'une vingtaine d'années... Étrangement, elle ressentit comme un poids qui s'envolait, après ces quelques paroles ; son histoire, elle n'en avait parlé à personne depuis son arrivée à Kumo des mois auparavant, et elle ne pensait pas qu'elle en parlerait avec sa supérieure. La sensation qu'elle ressentait à présent n'était pas négative, bien au contraire... Toutes deux échangèrent jusqu'à l'entrée de l'hôpital, où Maya devait se charger de l'entrée de Jin.
Les ninjas médecins, voyant l'état du blessé, apportèrent immédiatement un brancard, où Kogo déposa le chuunin avec délicatesse. A présent, il était entre les mains de la médecine ; advienne que pourra... Maya, qui avait fait le nécessaire au niveau administratif, la rejoignit : l'inquiétude se lisait sur son visage. Même si les deux kunoichis ne se connaissait pas énormément, Kogo commençait à savoir décrypter les humeurs de sa supérieure. Cela pouvait s'avérer un point positif.

A force de la regarder, la rousse remarqua un trait rouge sur le bras de Maya ; elle n'y avait pas fait attention avant, mais le coup que lui avait porté Jin n'était pas si anodin qu'il pouvait paraître. Le sang suintait le long de son poignet, et des gouttes allaient s'écraser sur le sol immaculé du centre hospitalier. Sur le coup, elle voulut appeler une infirmière ou n'importe quel autre personnel apte à la soigner, mais après réflexion, elle se dit que si sa Kage n'avait rien dit en arrivant ici, c'est peut-être parce qu'elle estimait que sa blessure n'était pas assez grave pour nécessiter une intervention maintenant. Et puis, vu qu'elle semblait dans ses pensées, la jeune femme décida de ne rien dire. Cela pourrait même la contrarier, au pire des cas... Quoi qu'il en soit, quelques minutes d'attente plus tard, un responsable du service chirurgical fit irruption dans la salle d'attente. Il expliqua les dommages qu'avait subi le chuunin, et ce que les médecins avaient engagé en matière de soin. Les dégâts étaient graves, inéluctablement, mais il s'en sortirait. Kogo et Maya poussèrent un soupir de soulagement en même temps, ce qui arracha un sourire au bras droit de la Raikage. Soudain, une infirmière interpella la chef de Kumo ; elle devait soigner sa plaie au bras, et ce sans discussion. Sa supérieure la regarda d'un air dépité, comme si elle avait été prise la main dans le sac, en train de faire une bêtise. Elle la suivit des yeux alors qu'elle se dirigeait vers une salle, l'infirmière sur les talons. Kogomi comprit qu'elle aurait mieux fait d'avertir un ninja médecin plus tôt ; Maya n'avait rien dit puisqu'elle avait estimé que Jin passait avant elle, et surtout pour ne pas passer pour quelqu'un qui ne supporte pas la douleur. Mais quand on souffre, à un moment ou à un autre, on est bien obligé de faire quelque chose pour que cela s'arrête...

Maya revint quelques minutes plus tard, le bras en écharpe, et une moue déçue tracée sur son visage : pendant quelques jours, il va lui être difficile d'aller sur le terrain. Être restreint physiquement n'est jamais très agréable, mais le corps a toutefois besoin de repos de temps à autre. La Raikage posa sa main valide sur l'épaule de la rousse ; Kogo la regarda et lui adressa un sourire qui voulait dire que si il y avait besoin, elle était là pour elle. Dans une société où l'on passait outre ses sentiments pour combattre, il fallait tout de même se soutenir entre shinobis, encore plus entre femmes. Après deux heures supplémentaires d'attente, Jin sortit enfin du bloc pour être transféré dans une chambre ; le responsable hospitalier retourna vers les deux femmes et leur confirma que le chuunin était sain et sauf. Maya décida d'aller se reposer, la journée avait été particulièrement éprouvante, et son corps avait sans doute besoin de faire une pause. Kogo la regarda s'en aller, resta encore quelques minutes dans la salle d'attente, puis se dit qu'elle reviendrait dans une heure ; il fallait qu'elle marche pour s'aérer l'esprit. Elle déambula dans les alentours de l'hôpital, humant l'air de l'aube et profitant de la fraîcheur très agréable qui régnait. Le vent se leva, un frisson parcourut sa peau... Elle repensa à son passé, à ces dix dernières années : elle avait vécu de grands changements, mais elle s'estimait heureuse de son actuelle situation. Elle avait appris à connaître des personnes formidables, la maturité avait fait son œuvre, mais une question la taraudait : que lui réservait l'avenir ? Quand elle portait son regard sur le village, elle était confiante, mais tout change si vite dans le monde shinobi...

La jeune femme retourna dans la salle d'attente, et patienta, Maya serait sûrement bientôt de retour. Une heure plus tard, celle-ci entra dans la pièce, adressant un sourire détendu à Kogo. Se reposer lui avait été bénéfique semble-t-il ; toutes deux se décidèrent alors à rendre visite au grand blessé du jour. Une discussion s'imposait entre la Raikage et le bretteur, pour ce qui s'était passé durant l'altercation, et la rousse devait traiter avec lui de son entraînement futur. Arrivant devant la chambre où Jin récupérait de ses blessures, ce fut sa supérieure qui frappa en première ; elles attendirent une réponse, qui ne se fit pas attendre très longtemps. Kogomi entra la première et découvrit le jeune homme assit dans son lit, regardant au dehors. Maya le salua poliment, puis elle même s'adressa à lui, d'un ton enthousiaste :

- Bonjour Jin ! Comment te sens-tu ?

Elle essayait de positiver, malgré l'atmosphère tendue qui s'était installée dans la pièce. Qu'est-ce que la Raikage comptait dire à l'héritier du clan Kaza ? La rousse avait un mauvais pressentiment, non pas seulement vis-à-vis de Maya, mais aussi par rapport à Jin...

© Eryu/Yaku

Une mise au point
s'impose

L'atmosphère était palpable. Même si Kogo avait tendance à essayer de positiver dans des situations indélicates, celle-ci s'avérait complexe : Jin, son disciple blessé, venait d'annoncer sa démission, et en guise de réponse, la Raikage lui avait donné une gifle. Le bras droit s'attendait à une réaction plutôt violente de sa part, mais pas de cette façon là. Jin était encore en pleine convalescence et elle trouvait encore à aller le frapper.. Après quelques secondes de réflexion, Kogomi se dit que ce geste était peut être mérité, même si dans les conflits, elle préférait s'expliquer avant de passer aux poings (enfin, ça dépendait de l'humeur, et surtout de la personne), et en l’occurrence, le cadre s'y prêtait bien. On ne pouvait trouver un lieu plus calme et plus propice à la discussion qu'un hôpital, ou le silence est de rigueur nuit et jour.

Sauf que dans la tête de la jeune femme, on était bien loin du silence. De multiples questions défilaient les unes après les autres, à un rythme effréné : que faire pour maîtriser la situation et éviter à Jin de s'emballer ? Que faire pour que la Raikage elle-même reprenne son calme ? Que devait-t-elle dire pour que tout rentre dans l'ordre ?
La diplomatie s'avérait être de rigueur dans un cas comme celui-ci, il fallait donc manier les mots avec brio et éviter d'échauffer les esprits. Oui, Jin était dans un état de faiblesse, où la douleur devait prendre le dessus sur la raison, où la frustration de ses blessures causées par ses deux ennemies du jour l'avait empêché d'accomplir son but, mais ses paroles avaient un impact trop lourd pour qu'il n'y ait pas de conséquences. Vis à vis de sa supérieure, qui était responsable de l'effectif ninja du village tout entier, elle pouvait le comprendre. Mais elle pouvait aussi ressentir la déception de celle-ci par rapport à la réaction et à l'attitude du bretteur : le visage de Maya était dur, voire presque austère après qu'elle ait réagit aux paroles du chunin. Baisser les bras après un échec n'était pas digne d'un shinobi de Kumo, et connaissant son élève, elle savait qu'il avait toujours redoublé d'énergie pour atteindre ses objectifs et parvenir à ses fins, il n'y avait donc aucune raison pour que cela commence aujourd'hui.

La rousse comprenait le désarroi de Jin : la personne la plus haut gradée dans le village le dédaignait et le considérait comme un idiot qui ne savait que foncer tête baissée. Mais le pire arriva ensuite ; Maya se dirigea vers Kogo pour lui faire comprendre le pourquoi de son geste (elles apprenaient doucement à se comprendre d'un simple regard ou d'une expression anodine du visage), puis se retourna pour s'adresser au blessé. Les paroles qu'elle lui adressa sonnaient comme une multitude de petites aiguilles qui venaient se planter au plus profond de la chair. Déjà que Jin devait bouillonner de rage suite à la gifle, les dires de la Raikage ne ferait que raviver sa colère et le rendre plus hargneux et désireux de quitter à tout jamais Kumo. En tant que maître, et en tant que bras-droit, elle devait tout faire pour le retenir, surtout que la chef du village avait conclu son discours par une menace de tuer le bretteur personnellement si celui-ci décidait de quitter le village. Après tout, c'est le sort qu'on réserve aux déserteurs, mais elle ne voulait en aucun cas que cela arrive à son protégé..
Avant de tourner les talons et de partir régler des affaires administratives, ou de n'importe quelle nature qu'elles soient, Maya adressa un hochement de tête à Kogomi, qui signifiait qu'elle la laissait s'occuper du reste, puis lui dit :

- Je vous le confie, Kogomi.

- Bien, maître Raikage.

La porte se referma sur sa supérieure, pour qu'elle finisse par se retrouver seule avec son disciple. Elle pourrait discuter tranquillement avec lui sans que le débat tourne au vinaigre en moins de deux secondes.. Elle voyait bien que la frustration et la hargne habitait Jin en ce moment-même, elle fit quelques pas et vint donc s'asseoir à côté de lui, sur son lit. Elle plongea son regard cuivré dans les yeux de celui qui lui faisait face et entama les pourparlers :

- Je sais ce que tu ressent vis-à-vis de Maya, je sais à quel point tu peux la haïr et avoir envie de lui montrer ce que tu vaux maintenant. Mais premièrement, tu n'es pas en état de te battre pour un petit moment, tu ferais mieux de laisser ton corps se rétablir correctement avant de t'attaquer à qui que ce soit, et encore plus à un Kage.

Elle soupira et posa ses yeux sur les bandages qui couvraient le corps du jeune homme.

- Même si tu as pu te sentir humilié, ou bafoué, Maya n'est pas le genre de personne qui font ces choses là avec plaisir. Si elle fait ou dit quelque chose, c'est qu'il y a une raison... Elle a du déceler en toi un potentiel, et c'est pourquoi elle se refuse à te laisser partir. Mais ça ne doit pas être l'unique raison. Pour ma part, je suis dans l'obligation de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu restes ici. Tu es mon élève, et par dessus tout un shinobi de Kumo, et ce quoi que dise la Raikage.

Si il décidait vraiment de livrer ses services à d'autres nations, sa vie serait bien plus en danger que maintenant, et il risquait de mourir avant d'être devenu plus fort. Il fallait à tout prix que Kogo le retienne...

© Eryu/Yaku