Imaginez un endroit sombre où le brouillard monopolise le pouvoir et les éclaires apportent une lumière ténébreuse à l'ambiance. Tout n'est que désolation, tout inspire à s'enfuir mais aucun échappatoire n'est possible. Vous cherchez la lumière douce et rassurante, vous trouvez toujours l'obscurité et l'angoisse. Quoi que vous fassiez, les mains ténébreuses, tel un spectre, vous agrippent et sont bien décidées à ne pas vous lâcher. Vous vous débattez, mais leurs doigts s'enfoncent dans votre chaire et la douleur n'est que plus grande. Tout l'univers semble vouloir vous faire souffrir et vous commencez à vous demander pourquoi vos pieds vous ont amenés jusque là, pourquoi n'ont-ils pas, au moment fatidique, choisi le petit chemin tranquille, pour mieux s'aventurer dans les ronces et les nids de poule. Mais il est trop tard pour le regretter et la douleur qui en résulte vient s'ajouter à toute cette angoisse que vous subissez à cet instant.

Tout ceci se passe en ce moment-même en moi. Je sens mon cœur se taper incessamment contre ma cage thoracique  pour protester sur ce que je viens d'apprendre, et tout mon corps semble se mobiliser pour contrer cette information trop dure à supporter. Mes jambes flageolent, des frissons me parcourent, mes poiles de hérissent et je transpire en même temps, tant la confusion s'installe en moi. Mes muscles ne bougent plus, j'ai la bouche grande ouverte, les yeux ouverts aux maximum et les cordes vocales coincées par une boule qui me tiraille et tire sur les parois de mon cou, rendant même ma respiration quelques peu difficile. Je suis anéantie. J'aurais préféré ne pas l'avoir su et m'enfuir loin de cette réalité que pourtant j'ai rejoint aveuglément et de mon plein gré. Je voudrais pouvoir revenir en arrière, effacer cette époque où je sautais de joie à l'idée de pouvoir m'entraîner toute une journée à lancer le shuriken  et malaxer mon chakra. Effacer ces instants où la voie ninja m'a ouvert ses bras et dans lequel je me suis lancée tête baissée.

Pourtant, je sais pertinemment que ce nouvel événement ne pourra pas disparaître. Il est imprimé à jamais dans le livre de notre vie, et rien ne peux l'ôter. Pourquoi a-t-elle dû subir ça ? Pourquoi le diable l'avait-elle choisi pour satisfaire son désir de voir l'horreur sur terre. Elle, si innocente, tentant de vivre parmi les hommes, de comprendre le monde, de se faire des amis, de les aimer, de s’attacher à un village, pourquoi jeter son dévolu sur une âme n’aspirant qu’au bien de cet humanité ? Je la connais depuis un petit moment déjà, et je sais qu’elle ne ferait aucun mal sans une raison plus que valable. Elle n’est pas le genre de fille à chercher la bagarre, et pourtant la foudre à frapper…

L’homme en face de moi reste muet. Il sait que ce qu’il vient de m’apprendre n’a rien de facile. Lui-même semble bouleversé, et le silence installé entre nous n’est que plus pesant. Je tente de remettre de l’ordre en moi, espérant ne pas sombrer dans la dépression.  Mais une voix tremblante est nouée par la tristesse arrive encore à articuler ceci :

Je suis désolé, mais je dois encore vous avertir que… votre sensei est parti à la recherche du coupable…

C’est la goutte de trop ! Jusque là, je retenais courageusement mes larmes, mais là les vannes se sont ouvertes d’elles-mêmes, vidant soudain toute ma douleur, sortant cette eau salée, témoins du déchirement intérieur, qui s’écoule le long de mes joues pour frapper le sol. Je ne tiens plus et je sens que mon cœur va arrêter de se battre, car il comprend que c’est peine perdue. En plus d’une blessée grave, je risque d’avoir un mort à accepter. Pouquoi ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il se jette dans la gueule du loup ainsi ? Est-il tellement rongé par le sentiment de vengeance qu’il n’a pas réfléchi ? En plus de la tristesse, la peur monte en moi, les mains du spectre se resserre et m’arrache la peau. Je ne veux pas revivre ce moment, perdre un être cher est si douloureux. Personne ne sait de quoi est capable ce monstre . Aikenka saura-t-il y faire face ?  S’il devait mourir, je...

Au fond du gouffre, je frappe le mur le plus proche de moi. Je ne le ménage pas, et frappe de toute la puissance de ma colère mêlée à celle de mon désespoir. Chaque coup me soulage, je n’ai rien trouvé de mieux pour me calmer, à part hurler

POURQUOI ? IL VA MOURIR ! ET JE NE PEUX RIEN FAIRE !! FAIS CHIER !!!

Je me laisse tomber à genoux, continuant d’extérioriser ma haine de ce personnage diabolique et ma douleur des nouvelles par les larmes. Mes membres  tremblent, tout autour de moi disparaît de mon esprit. Je me retrouve seule à faire face à la réalité et je me sens faible, incapable de changer quoi que ce soit. Je ne suis qu’une petite ninja juste apte à épater les copines lorsque je lance des kunaï. En un mot, je suis pathétique. Je reste un instant immobile le temps de revenir à moi, et de déjà essayer de digérer l’information. Après la réaction spontanée, voici l’étape non moins compliquée de l’acceptation. Je murmure avant de me relever tout doucement.

Je vous remercie de l’information.

Je le regarde les yeux vide, l’esprit fatigué

Pourriez-vous me guider jusqu’à la chambre de setsu s’il-vous plaît

L’homme, qui m’offre un visage trahissant son entière compassion, accepte doucement ma proposition. Habillé de la typique blouse blanche, il me demande de le suivre, ce que je fais d’un pas lent, chancelant un peu jusqu’aux portes de l’hôpital. J’en regarde l’enceinte qui me paraît bien sinistre aujourd’hui. Un long soupir sort de mes poumons, ce qui a pour effet d’un peu me détendre avant d’affronter ce qui m’attend. Je continue mon chemin, précédé de mon guide et mon esprit ne peut s’empêcher de s’inquiéter, oui, d’avoir peur pour Aikenka, que va-t-il se passer pour lui ? Va-t-il s’en sortir vivant ? Mon cœur se serre alors que j’arrive devant ce qui semble être la porte de la chambre de ma coéquipière. L’infirmier prend congé voulant nous laisser seules, mais me conseille de ne pas lui parler d’Aikenka, vu son état, il faut éviter tous les sujets qui stresse. Je hoche la tête pour signifier que j’ai bien compris et entre.

Le silence qui règne dans la pièce n’est interrompu que par intervalle régulier par un petit bip signifiant que setsu est bien vivante. Je m’approche du lit et découvre son visage endormi. La savoir saine et sauve a le don de déjà esquisser un petit sourire sur mon visage et voir mon amie si apaisée après toute ces souffrances participe activement à me réconforter. Doucement je lui prend la main et je chasse tout la pensée qui me liait à mon sensei. J’ai envie d’apporter mon soutient, pour l’instant c’est tout ce que je peux faire alors autant montrer bonne mine et apporter de la force à setsu pour qu’elle se remette vite de son traumatisme. Mon sourire s’agrandit et je lui murmure

Bonjour Setsu, c’est moi, Inaku, je suis là, tu n’as plus rien à craindre maintenant, je suis contente de te voir tu sais.

Peut-être qu’elle ne me répondra pas, mais je sens que lui parler me fait du bien et qu’elle pourrait rien que m’entendre et cela me suffit. Je continue de la regarder, tentant d’apporter un visage bienveillant, laissant mon anéantissement dans un coin de moi, pour ne pas plus l’inquiéter. Je me contente de tenir sa main. Le bip de la machine reprend le dessus…

Le silence est pesant. Il n'y a que le bruit du cardiogramme qui rythme le temps. Mais paradoxalement, celui-ci semble s'être arrêté. J'ai de plus en plus de mal à cacher mon émotion. Je ne voulais pas qu'elle me voit en train de pleurer, afin de lui offrir un appui solide à son réveil, mais la tristesse est bien là. Tu as beau la contrer, elle se cachera dans un coin de ton cœur pour finalement resurgir et montrer que tu ne l'as pas complètement vaincue. C'est un combat à long terme qu'il faut mener pour espérer l'évacuer de ton corps.

Mal à l'aise, j'attends que ce corps reprenne vie, que ce qui apparaissait comme figé et irrévocable, redevienne possible et se réalise. Le duvet ne cesse de monter et de redescendre, en harmonie avec la respiration de Setsu. Mes yeux fatigués le suivent, content de pouvoir poser son attention ailleurs que sur l'interminable attente. Je soupire, commençant à penser que c'est encore trop vite, qu'elle ne se réveillera pas aujourd'hui. Après tout, elle a traversé tellement d'épreuves ces deux derniers jours, son esprit doit doucement se remettre. En tout cas, je suis rassurée: elle est en vie. Et rien n'aurait pu m'anéantir plus que de la perdre. J'aurais l'impression que tout tombe autour de moi. Déjà Mayu fut une catastrophe... Alors le simple fait de détecter les signes qu'elle est toujours parmi nous a le don de me doter d'armes pour mon combat contre la tristesse.

Je souris et m'apprête à desserrer ma main quand celle que je tiens réagis, comme si elle cherchait à me retenir. Je la regarde, surprise, puis déplace le regard sur l'organisme qui a ordonné ce geste. L'espoir que j'avais abandonné jusque là, rebondit devant moi bras ouverts. Mes yeux se fixent dans les siens, qui petit à petit... s'ouvrent ! Prise d'une émotion tout autre qu'avant, je lui tiens désormais la main avec les deux miennes et sourit de tout mon être. Enfin, la tristesse perd du terrain, affaibli face à la carte jouée et infaillible qu'est l'imprévu. C'est l’atout qui manquait et sert a un héro à renverser la tendance et enfin prendre le dessus.

- Inaku… Que se passe-t-il ?

J'ai envie de la serrer dans mes bras, de lui transmettre toute la joie qui m'envahit grâce à ce geste, mais de peur de la brusquer, je me contente de lui caresser gentiment le haut de la chevelure.

Tu es à l'hôpital. Tu as été agressée près du village

Je ne vais volontairement pas plus loin, car je ne veux pas lui faire trop de peine. Elle n'a pas l'air de se souvenir, alors je pense que son inconscient lui-même lui cache la vérité pour la protéger. Je préfère la laisser reprendre des forces et lui expliquer plus tard, lorsqu'elle sera capable d'encaisser toutes les atrocités que cet hommes lui a fait subir. Je marque une pause avant de continuer

Comment tu te sens ? Tu veux que je t'apporte quelque chose ?

J'entends la porte de la pièce s'ouvrir avant que la réponse ne soit donnée. Deux personnes en blouse blanche s'avancent vers le lit de Setsu. Je les regarde s'approcher et ne peut m'empêcher de les admirer. Grâce à leurs talents, ils combattent la mort et et retirent de ses mains les pauvres êtres qui y ont été soudainement jetés. Lorsque tout semble perdu, c'est les seuls, à avoir encore des ressources inattendues et à renverser la tendance. Et aujourd'hui, ils m'ont montré une fois de plus leurs grands savoirs en savant ma coéquipière. Je ne les remercierai jamais assez...

Une des deux personnes, une jeune femme aux cheveux blonds, attachés en queue de cheval, se penche sur le lit et découvre que la patiente s'est réveillée. Elle pose son regard sur moi, et demande

ça fait longtemps qu'elle est consciente?

Je me redresse pour me remettre assise, mais en tenant toujours la main de mon amie

N...non, elle vient juste d'ouvrir les yeux.

Puis l'infirmière se remet à observer setsu un moment avec son collègue, parlant entre eux avec des termes que je ne comprends pas. Je me résous à lâcher la main que je tenais jusqu'à maintenant et à m'écarter pour leur laisser le champs libre. Mes yeux naviguent entre ma coéquipière et les deux médecins, que je regarde avec le sentiment convaincu qu'elle est en de très bonnes mains et l'espérance de la revoir bientôt sur pied et en forme pour à nouveau profiter de la vie à ses côtés.

Après quelques minutes de silence, une question me préoccupe, bien que la solution me paraisse aller de soi. Il me faut tout de même la vérifier pour me sentir tranquille. Un peu gênée, je me dirige en direction du partenaire de la jeune femme, un homme aux cheveux noirs, courts, de taille assez longue.

Euh... elle va s'en sortir, vous pensez ?

Il marque un temps pour finir sa réflexion sur le détail qu'il est en train d'examiner, puis m'adresse la parole, d'un ton rassurant, accompagné d'un petit sourire.

Tu es une de ses amis proche n'est-ce pas ? Ne t'inquiète pas, elle n'est plus en danger de mort. Il va juste lui falloir beaucoup de temps pour se remettre, et elle aura besoin de beaucoup de soutient, je pense que je peux compter sur toi ?

Bien sûr, murmuré-je

Il finit son examen, puis se retourne complètement vers moi

Tu sais, elle a de la chance d'avoir comme entourage comme toi, ne la déçoit pas, termine-t-il avec un petit clin d'oeil

Un sourire s'affiche sur mes lèvres et de la joie semble jaillir en moi. Ce qu'il m'a dit me fait du bien. Je ressens enfin de l'apaisement.

Comptez sur moi monsieur, et merci pour tout répondé-je avec un large sourire

L'homme retourne à son travail et m'annonce bientôt qu'il va falloir me retirer car ils doivent faire subir des examens plus poussés à Setsu. Avec un petit pincement au coeur de devoir quitter mon amie, je hoche tout de même la tête, compréhensive et me tourne vers la porte. Ma main se pose sur la poignée et je pose une dernière fois le regard sur la blessée.

À bientôt Setsu, je reviendrai te voir plus tard

[en cours]