La brume est épaisse et m’empêche de voir à plus de quelques centimètres devant moi. Je sais pourtant que je suis en face des portes de mon village d’adoption. Une boule se niche assez rapidement dans ma gorge, je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs. Peut être ais-je peur d’être mal accueillie, ou tout simplement que l’on me refuse l’accès ? Je vais encore me retrouver seule entourée de gens qui ne m’aime pas. A cette idée, je m’arrête pour réfléchir. Peut être ne devrais-je pas y retourner ? Mais dans ce cas là où aller ? A Suna ? A Kumo ? Je ne serais chez moi nulle part de toute façon. C’est sans aucun doute à Kiri que je me sentirais le plus en confiance. Ironie du sort pour une féline méfiante comme moi. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je sens sans aucun mal une présence animale dans mon dos. Il me suit depuis un moment, peut être me surveille-t-il ? J’ai presque l’impression que ce chat est l’incarnation d’un de mes proches. Après lequel, je n’en sais fichtre rien.

Outre cette présence féline derrière moi, je sens également une humaine devant moi. Enfin non, pas une humaine. Ce serait plutôt un mélange entre une femme et un chien. C’est une odeur qui, pour moi, réveille des instincts que je ne me connaissais pas. Par exemple les poils de ma queue qui commence à s’hérisser tout seuls. Comment une odeur peut-elle faire réagir mon organisme ainsi ? J’ai toujours été en contact avec des chiens ! Même dans Kiri, j’étais très proche d’une femme qui était liée avec les loups. Alors pourquoi un tel réflexe, si primaire ? Je fais tomber mes poils en me concentrant, j’ai du m’éloigner trop longtemps de la « civilisation », ma partie animale semble prendre un peu le dessus. J’ai plutôt intérêt à la calmer et ce tout de suite ! Enfin, je cesse de laisser libre cours à mes pensées, après tout je ne suis pas loin des portes, autant avancer maintenant que je suis là. Surtout que le chakra que je peux percevoir m’est familier…

J’avance en dévorant l’horizon opaque des yeux. Je l’aperçois en même temps qu’elle m’aperçoit, décidément on sera liées jusqu’à la fin de notre vie. J’ai du mal à reconnaitre la jeune femme de part son apparence, celle-ci devenue aussi étrange que la mienne, mais je sais quel nom mettre sur cette tête éberluée. Elle ne s’attendait sans doute pas à me revoir de sitôt. Elle me saute alors dans les bras. Je la laisse faire, ronronnant tranquillement. Il est agréable de se faire enlacer par une personne chère à notre cœur. Même si son odeur me dérange encore un peu je ne dis rien et contrôle mon côté chat qui me hurle de foutre le camp en feulant. Néanmoins, alors que je suis aux anges, je reçois une tape, assez forte cela dit, sur le derrière de la tête. Elle me dit alors :

«  Où étais-tu donc passée ?! »

Je la regarde l’air un peu perdue. Je l’aimais beaucoup il fut un temps, je le sais. Pourtant elle n’est pas comme avant. Serait-ce pour se venger de mon départ qu’elle a tant changée ? Je la regarde normalement mais ne sais que lui répondre. J’étais perdue, en conflit avec moi-même telle une enfant qui a perdu tous ses repères. Pourtant, je ne me souviens pas en avoir déjà eu. Elle me regarde avec sévérité et je détourne le regard. Je n’ai pas envie d’affronter ça. Mes oreilles me chauffe, serait-ce de la honte ? Non, c’est juste qu’elle les regarde ardemment. Mon regard se pose sur les siennes. Pourquoi elle les a ? Je ne comprends pas. Elle me titille l’oreille droite ce qui me fait ronronner quasiment instantanément. Mon côté félin s’est plus affirmé que ce que je pensais, il faut croire. Mon semblant de colère se dissipe, ça me rappelle de très mauvais souvenir d’être grondée ainsi. Et elle le sait. Donc je me laisse faire et l’écoute avec attention :

«  Enfin bon … J'ai pas mal changé moi aussi tu as pu le constater je suppose... » Sur ces dires ses oreilles canines frémirent «  Je ne peux t'en vouloir d'être partie étant donné mes actes... Mais je veux des explications. De plus je ne peux te laisser revenir au village comme une fleur sans savoir ce qui t'as poussé à partir mais plus important, ce qui t'as fait revenir à nous. » Elle sourit en disant les derniers mot de sa tirade et elle ajouta avec un grand sourire laissant apparaître ses canines «  Tu m'as manqué Kyo » .

Je lui souris moi aussi. J’avais en effet remarqué qu’elle avait changée et ne pouvais pas lui en vouloir après tout. J’étais moi-même différente, donc bon la rejeter aurait été une stupidité sans nom. Je lui prends les mains en agitant mes oreilles félines. Elle aurait tout de même pu choisir un autre animal que ce genre de canidé ! Enfin, peut être n’avait-elle pas choisie… C’est vrai que je lui dois des explications, mais elle a longtemps quitté le village elle aussi. Et j’étais seule sans plus personne a qui me confier. L’équipe s’est dissoute et mon côté sentimental humain est mort. Je ne me souviens même plus de cette période tant elle est insignifiante pour moi. Je la regarde de mon seul œil valide et agite légèrement la queue.

« Toi aussi tu m’as manqué Tsuki… Je suis désolée, mais tu es partie tellement longtemps que je ne pensais pas que tu reviendrais. Vous êtes tous partis et moi j’étais la seule à rester au village ! Petit a petit l’idée de retourner vivre en solitaire m’est apparue. Alors je suis partie, mais quelqu’un est venu me rappeler où était ma place. »

Je souris et lèvre les yeux quelques secondes, comme pour remercier ce petit minou dont je ne connais toujours pas le nom. Il a réussit à me faire comprendre l’étendue de mon erreur, et c’est uniquement grâce à lui que je suis revenue au village. Et donc c’est aussi grâce à lui que je suis de nouveau aux côtés de Tsuki. Je me demande bien qui il était. Mais bref, je titille l’oreille canine de mon amie et lui dit en rigolant :

« Tu aurais pu choisir autre chose qu’un canidé ! J’espère qu’on ne va pas s’entendre comme chat et chien ! Tu es partie longtemps, tu me raconteras toi aussi ? »

J’imagine qu’elle a de bonnes raison d’être partie si longtemps et d’être revenue si différente. Peut être me mettre-t-elle au courant ! Mais si c’est douloureux elle le gardera sans doute pour elle. Comme moi, je n’ai jamais expliqué à personne cette apparence si hors du commun que j’ai depuis mes cinq ans. Je me demande si elle a du subir la même chose que moi. Cela m’étonnerait mais après tout on est jamais à l’abri de surprises dans la vie ! Je lui demande ensuite, l’air penaud

« Tu ne m’en veux pas trop… ? »